(FR/Engl) Il n’est pas facile de remonter la pente tout seul ! It’s not at all easy to climb back up alone !

dans SANS CATEGORIES par
Intervention d’Ali Aarrass à la Conférence nationale d’Amnesty international UK (Londres nov. 2023)

(English below)

Chères amies, Chers amis,

J’ai été arrêté le 1 avril 2008 et j’ai été libéré le 1 avril 2020. J’ai été dans huit prisons espagnoles et dans trois prisons marocaines, dont le fameux centre de Temara, où j’ai été torturé. Ces tortures, je les ai tout de suite dessinées à la prison de Salé ll où j’ai été amené après mes douze jours à Témara et Amnesty les a publiées. La plupart du temps de mon incarcération j’ai été maltraité et en isolement total. Aujourd’hui j’en porte toujours les séquelles.

Si je suis ici aujourd’hui parmi vous, c’est grâce à vous, grâce à Amnesty, grâce aux nombreux soutiens et comités en Belgique, en Grande-Bretagne, au Maroc et en Epagne.

Je tiens à vous remercier de tout mon cœur pour tout ce que vous avez fait.

À partir de 2009, vous avez créé une protection autour de moi. Amnesty international Espagne s’est mobilisé contre le risque de mon extradition au Maroc. En 2014, je suis devenu une des visages de la campagne internationale d’Amnesty contre la torture et pas moins de 216.500 personnes ont signé la pétition pour ma libération. Ces signatures ont été remises officiellement au ministre marocain de la Justice et des Libertés.

Pourquoi la campagne Write for Rights, Écrire pour les droits est importante ?

Ecrire à un prisonnier crée une véritable protection autour du prisonnier. Il se réalise qu’il n’est pas seul, il se réalise qu’il existe, qu’il fait partie du monde, de la société humaine dont il est exclu. Pour les autorités, c’est un signe qu’ils ne peuvent pas se permettre de faire n’importe quoi, les lettres sont une barrière contre la maltraitance et l’arbitraire.

Une campagne Write for Rights fait partie de la lutte pour les droits au sein des prisons. Officiellement nous avons droit à recevoir du courrier, à écrire des lettres. Dans la pratique ils vous privent de votre courrier, ils le censurent, ils le confisquent une fois qu’ils vous l’ont donné.

Pendant mon incarcération à la prison de Salée 2, j’ai reçu la visite de Juan Mendez et des travailleurs des Nations Unies. J’ai demandé par écrit au nouveau directeur de la prison de me recevoir. J’ai rapidement été reçu dans son bureau. Il m’a désigné de la main les dizaines de courriers en pile sur son bureau, tous ceux qui m’avaient été envoyés par des soutiens extérieurs et qui avaient été confisqués et censurés par l’ancien directeur Abdellah Darif et son complice Bouazza Onki. Il m’a dit : « Ali, c’est bien à toi que sont adressées toutes ces lettres ? »

« Oui », lui ai-je immédiatement répondu. « Recevoir ces courriers fait partie de mes droits. Je vous demande  le respect de nos droits fondamentaux et de notre dignité humaine. »

Deux jours plus tard, je recevais mon courrier une fois par semaine et le directeur est ensuite venu régulièrement me voir.

À la prison de Tiflet, c’était la même chose. J’ai demandé au directeur pourquoi il avait censuré le courrier qui m’était envoyé. Il m’a répondu que ce n’était pas lui mais la Délégation générale pénitentiaire qui était chargée de le lire et qui bloquait les lettres qui m’arrivaient de partout dans le monde. Ils ne voulaient pas que je sois soutenu et encouragé par tous ceux qui, à l’extérieur, étaient solidaires de mon combat. Me priver de ces lettres était une façon de me torturer psychologiquement. Le directeur m’a dit qu’il ferait une nouvelle demande pour que je puisse recevoir mes courriers.

Je vous demande de continuer à écrire aux prisonniers. Soyez certain que pour eux et pour elles vous faites la différence entre la vie et la mort. 

Tout le monde connaît mon vécu. Il est vrai que j’ai survécu aux pires atrocités qu’on puisse imaginer durant toutes ces années.

Je vous rappelle qu’à travers ces épreuves qu’ils m’ont infligées, durant tout ce temps, mes convictions et mon opinion ont été renforcées…

Il est vrai que mon cas a servi d’exemple pour d’autres.

Oui , je suis un survivant… Un homme qui depuis le premier jour de ma libération a dit comme première phrase : mon combat continue !!!

Presque trois années se sont écoulées depuis mon retour, j’ai dû survivre à nouveau en bénéficiant du CPAS durant une année (J’ai ajouté que c’était une allocation sociale).Aujourd’hui, je travaille mais, je n’arrive pas à surmonter les difficultés seul.

En parallèle, j’ai mené mon combat par des témoignages : TV , Radio , audio , presse écrite , You Tube . Tout ceci en plusieurs langues que je maîtrise … le tout m’a pris beaucoup de temps et d’efforts physiques et psychologiques.

Il n’est pas facile du tout pour quelqu’un comme moi de remonter la pente seul !!! Il y a une chose que j’ai sous-estimée depuis ma libération, celle de me soigner, car j’ai promis de continuer mon combat !

Depuis mon retour sur le territoire belge aucune personnalité politique ni diplomatique n’a demandé qu’est devenu Aarrass Ali ???

Sauf vous ! Des hommes et des femmes solidaires qui m’ont toujours soutenu durant toutes ces années !

A cette occasion, j’aimerais vous remercier à nouveau d’être toujours là.

C’est pour cela que je m’adresse à vous aujourd’hui personnellement pour la première fois pour vous demander de l’aide pour des projets  que j’aimerais partager  avec vous car ceci est notre lutte et notre combat à tous !

Je vous aime très fort.

Ali Aarrass.

 

(Photos https://marieanne.smugmug.com/)

 

 

 

 

English (Traduction vers l’Anglais par Marie-France Deprez)

Dear friends,

I was arrested on April 1st 2008 and released on April 1st 2020. I was held in eight Spanish prisons and three Moroccan prisons, including the notorious Temara centre, where I was tortured.

In Salé 2 prison, where I was taken after my twelve days in Temara, I immediately illustrated my torture and Amnesty published my drawings.

Most of the time during my imprisonment I was ill-treated and kept in total isolation.

Today I still bear the after-effects. If I am here with you today, it is thanks to you, thanks to Amnesty, thanks to the many supporters and committees in Belgium, Great Britain,

Morocco and Spain. I would like to thank you from the bottom of my heart for everything you have done.

Since 2009, you have created a protective environment around me. Amnesty International Spain took action against the risk of my extradition to Morocco.

In 2014, I became one of the faces of Amnesty’s international campaign against torture, and no fewer than 216,500 people signed the petition for my release. These signatures were officially handed over to the Moroccan Minister of Justice and Freedoms.

Why is the Write for Rights campaign important?

Writing to a prisoner creates real protection around the prisoner. They realize that they are not alone, that they exist, that they are part of the world, part of the human society from which they have been excluded. For the authorities, it’s a sign that they can’t afford to do just anything. The letters are a barrier against ill-treatment and arbitrary processes.

A Write for Rights campaign is part of the fight for rights within prisons. Officially, we have the right to receive mail and write letters. In practice, they deprive you of your mail, they censor it, and they confiscate it once they’ve given it to you.

While I was in Salé 2 prison, Juan Mendez and United Nations workers visited me. I wrote to the new director of the prison asking him to see me. I was quickly received in his office.

He pointed to the dozens of letters piled up on his desk, all those sent to me by outside supporters, and which had been confiscated and censored by the former director Abdellah Darif and his accomplice Bouazza Onki. He said to me: « Ali, are all these letters addressed to you? « Yes », I replied immediately. « Receiving these letters is one of my rights. I ask you to respect our fundamental rights and human dignity. » Two days later, I was receiving my mail once a week, and the director then came to see me regularly.

At Tiflet prison, it was the same thing. I asked the director why he had censored the mail sent to me. He told me that it wasn’t him, but the Délégation générale pénitentiaire who oversaw reading it and who blocked the letters that arrived from all over the world. They didn’t want me to be supported and encouraged by all those on the outside who were in solidarity with my struggle. Depriving me of these letters was a way of torturing me psychologically. The director told me that he would make a new request so that I could receive my mail.

I ask you to continue to write to the prisoners. Rest assured that for them you make the difference between life and death.

Everyone knows what I’ve been through. It’s true that I’ve survived the worst atrocities you can imagine, all these years, by gritting my teeth.

I would remind you that the hardships they have inflicted on me, over all this time, have strengthened my convictions and my opinion…

It’s true that my case has served as an example for others.

Yes, I am a survivor…

From the first day of my release, my first sentence was that my fight goes on!

Nearly 3 years have gone by since my return to Belgium, and I’ve had to survive again by receiving CPAS (social allocation) benefits for a year.

Today, I’m working, but I can’t overcome the difficulties alone.

At the same time, I have led my fight through testimonials: TV, radio, audio, written press, YouTube. All of this in several languages that I master… All of which has taken a lot of time and physical and psychological effort.

It’s not at all easy for someone like me to climb back up alone!

Something I’ve underestimated since my release, that of looking after myself, because I’ve promised to continue my fight!

I should point out that since my arrival back in Belgium, not a single member among the political or diplomatic figures has asked what has become of Aarrass Ali.

Except you! Men and women who stand in solidarity and who have always supported me throughout these years!

I’d like to take this opportunity to thank you once again for always being there for me.

That’s why I’m speaking to you personally today for the first time to ask for your help with some projects that I’d like to share with you, because this is our struggle and our fight together!

I love you all very much.

 

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