(FR/Engl) Il n’est pas facile de remonter la pente tout seul ! It’s not at all easy to climb back up alone !

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Intervention d’Ali Aarrass à la Conférence nationale d’Amnesty international UK (Londres nov. 2023)

(English below)

Chères amies, Chers amis,

J’ai été arrêté le 1 avril 2008 et j’ai été libéré le 1 avril 2020. J’ai été dans huit prisons espagnoles et dans trois prisons marocaines, dont le fameux centre de Temara, où j’ai été torturé. Ces tortures, je les ai tout de suite dessinées à la prison de Salé ll où j’ai été amené après mes douze jours à Témara et Amnesty les a publiées. La plupart du temps de mon incarcération j’ai été maltraité et en isolement total. Aujourd’hui j’en porte toujours les séquelles.

Si je suis ici aujourd’hui parmi vous, c’est grâce à vous, grâce à Amnesty, grâce aux nombreux soutiens et comités en Belgique, en Grande-Bretagne, au Maroc et en Epagne.

Je tiens à vous remercier de tout mon cœur pour tout ce que vous avez fait.

À partir de 2009, vous avez créé une protection autour de moi. Amnesty international Espagne s’est mobilisé contre le risque de mon extradition au Maroc. En 2014, je suis devenu une des visages de la campagne internationale d’Amnesty contre la torture et pas moins de 216.500 personnes ont signé la pétition pour ma libération. Ces signatures ont été remises officiellement au ministre marocain de la Justice et des Libertés.

Pourquoi la campagne Write for Rights, Écrire pour les droits est importante ?

Ecrire à un prisonnier crée une véritable protection autour du prisonnier. Il se réalise qu’il n’est pas seul, il se réalise qu’il existe, qu’il fait partie du monde, de la société humaine dont il est exclu. Pour les autorités, c’est un signe qu’ils ne peuvent pas se permettre de faire n’importe quoi, les lettres sont une barrière contre la maltraitance et l’arbitraire.

Une campagne Write for Rights fait partie de la lutte pour les droits au sein des prisons. Officiellement nous avons droit à recevoir du courrier, à écrire des lettres. Dans la pratique ils vous privent de votre courrier, ils le censurent, ils le confisquent une fois qu’ils vous l’ont donné.

Pendant mon incarcération à la prison de Salée 2, j’ai reçu la visite de Juan Mendez et des travailleurs des Nations Unies. J’ai demandé par écrit au nouveau directeur de la prison de me recevoir. J’ai rapidement été reçu dans son bureau. Il m’a désigné de la main les dizaines de courriers en pile sur son bureau, tous ceux qui m’avaient été envoyés par des soutiens extérieurs et qui avaient été confisqués et censurés par l’ancien directeur Abdellah Darif et son complice Bouazza Onki. Il m’a dit : « Ali, c’est bien à toi que sont adressées toutes ces lettres ? »

« Oui », lui ai-je immédiatement répondu. « Recevoir ces courriers fait partie de mes droits. Je vous demande  le respect de nos droits fondamentaux et de notre dignité humaine. »

Deux jours plus tard, je recevais mon courrier une fois par semaine et le directeur est ensuite venu régulièrement me voir.

À la prison de Tiflet, c’était la même chose. J’ai demandé au directeur pourquoi il avait censuré le courrier qui m’était envoyé. Il m’a répondu que ce n’était pas lui mais la Délégation générale pénitentiaire qui était chargée de le lire et qui bloquait les lettres qui m’arrivaient de partout dans le monde. Ils ne voulaient pas que je sois soutenu et encouragé par tous ceux qui, à l’extérieur, étaient solidaires de mon combat. Me priver de ces lettres était une façon de me torturer psychologiquement. Le directeur m’a dit qu’il ferait une nouvelle demande pour que je puisse recevoir mes courriers.

Je vous demande de continuer à écrire aux prisonniers. Soyez certain que pour eux et pour elles vous faites la différence entre la vie et la mort. 

Tout le monde connaît mon vécu. Il est vrai que j’ai survécu aux pires atrocités qu’on puisse imaginer durant toutes ces années.

Je vous rappelle qu’à travers ces épreuves qu’ils m’ont infligées, durant tout ce temps, mes convictions et mon opinion ont été renforcées…

Il est vrai que mon cas a servi d’exemple pour d’autres.

Oui , je suis un survivant… Un homme qui depuis le premier jour de ma libération a dit comme première phrase : mon combat continue !!!

Presque trois années se sont écoulées depuis mon retour, j’ai dû survivre à nouveau en bénéficiant du CPAS durant une année (J’ai ajouté que c’était une allocation sociale).Aujourd’hui, je travaille mais, je n’arrive pas à surmonter les difficultés seul.

En parallèle, j’ai mené mon combat par des témoignages : TV , Radio , audio , presse écrite , You Tube . Tout ceci en plusieurs langues que je maîtrise … le tout m’a pris beaucoup de temps et d’efforts physiques et psychologiques.

Il n’est pas facile du tout pour quelqu’un comme moi de remonter la pente seul !!! Il y a une chose que j’ai sous-estimée depuis ma libération, celle de me soigner, car j’ai promis de continuer mon combat !

Depuis mon retour sur le territoire belge aucune personnalité politique ni diplomatique n’a demandé qu’est devenu Aarrass Ali ???

Sauf vous ! Des hommes et des femmes solidaires qui m’ont toujours soutenu durant toutes ces années !

A cette occasion, j’aimerais vous remercier à nouveau d’être toujours là.

C’est pour cela que je m’adresse à vous aujourd’hui personnellement pour la première fois pour vous demander de l’aide pour des projets  que j’aimerais partager  avec vous car ceci est notre lutte et notre combat à tous !

Je vous aime très fort.

Ali Aarrass.

 

(Photos https://marieanne.smugmug.com/)

 

 

 

 

English (Traduction vers l’Anglais par Marie-France Deprez)

Dear friends,

I was arrested on April 1st 2008 and released on April 1st 2020. I was held in eight Spanish prisons and three Moroccan prisons, including the notorious Temara centre, where I was tortured.

In Salé 2 prison, where I was taken after my twelve days in Temara, I immediately illustrated my torture and Amnesty published my drawings.

Most of the time during my imprisonment I was ill-treated and kept in total isolation.

Today I still bear the after-effects. If I am here with you today, it is thanks to you, thanks to Amnesty, thanks to the many supporters and committees in Belgium, Great Britain,

Morocco and Spain. I would like to thank you from the bottom of my heart for everything you have done.

Since 2009, you have created a protective environment around me. Amnesty International Spain took action against the risk of my extradition to Morocco.

In 2014, I became one of the faces of Amnesty’s international campaign against torture, and no fewer than 216,500 people signed the petition for my release. These signatures were officially handed over to the Moroccan Minister of Justice and Freedoms.

Why is the Write for Rights campaign important?

Writing to a prisoner creates real protection around the prisoner. They realize that they are not alone, that they exist, that they are part of the world, part of the human society from which they have been excluded. For the authorities, it’s a sign that they can’t afford to do just anything. The letters are a barrier against ill-treatment and arbitrary processes.

A Write for Rights campaign is part of the fight for rights within prisons. Officially, we have the right to receive mail and write letters. In practice, they deprive you of your mail, they censor it, and they confiscate it once they’ve given it to you.

While I was in Salé 2 prison, Juan Mendez and United Nations workers visited me. I wrote to the new director of the prison asking him to see me. I was quickly received in his office.

He pointed to the dozens of letters piled up on his desk, all those sent to me by outside supporters, and which had been confiscated and censored by the former director Abdellah Darif and his accomplice Bouazza Onki. He said to me: « Ali, are all these letters addressed to you? « Yes », I replied immediately. « Receiving these letters is one of my rights. I ask you to respect our fundamental rights and human dignity. » Two days later, I was receiving my mail once a week, and the director then came to see me regularly.

At Tiflet prison, it was the same thing. I asked the director why he had censored the mail sent to me. He told me that it wasn’t him, but the Délégation générale pénitentiaire who oversaw reading it and who blocked the letters that arrived from all over the world. They didn’t want me to be supported and encouraged by all those on the outside who were in solidarity with my struggle. Depriving me of these letters was a way of torturing me psychologically. The director told me that he would make a new request so that I could receive my mail.

I ask you to continue to write to the prisoners. Rest assured that for them you make the difference between life and death.

Everyone knows what I’ve been through. It’s true that I’ve survived the worst atrocities you can imagine, all these years, by gritting my teeth.

I would remind you that the hardships they have inflicted on me, over all this time, have strengthened my convictions and my opinion…

It’s true that my case has served as an example for others.

Yes, I am a survivor…

From the first day of my release, my first sentence was that my fight goes on!

Nearly 3 years have gone by since my return to Belgium, and I’ve had to survive again by receiving CPAS (social allocation) benefits for a year.

Today, I’m working, but I can’t overcome the difficulties alone.

At the same time, I have led my fight through testimonials: TV, radio, audio, written press, YouTube. All of this in several languages that I master… All of which has taken a lot of time and physical and psychological effort.

It’s not at all easy for someone like me to climb back up alone!

Something I’ve underestimated since my release, that of looking after myself, because I’ve promised to continue my fight!

I should point out that since my arrival back in Belgium, not a single member among the political or diplomatic figures has asked what has become of Aarrass Ali.

Except you! Men and women who stand in solidarity and who have always supported me throughout these years!

I’d like to take this opportunity to thank you once again for always being there for me.

That’s why I’m speaking to you personally today for the first time to ask for your help with some projects that I’d like to share with you, because this is our struggle and our fight together!

I love you all very much.

 

En cette Fête nationale de Belgique 2023…

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Si j’étais Alexander De Croo, je capitaliserais sur la libération espérée et réussie le 26 mai dernier, d’Olivier Vandecasteele, travailleur social enlevé comme rançon par l’Iran et injustement incarcéré 455 jours. « Nous n’abandonnons, en Belgique, personne. Encore moins un innocent. »


Si j’étais Olivier Vandecasteele et que j’étais invité aux tribunes du défilé, je convierais à mes côtés Ali Aarrass, autre Belge innocent qui a, lui, passé douze ans de détention et de tortures dans les prisons espagnoles et marocaines (4.400 jours, 2008-2020). Dans l’indifférence totale des autorités belges, qui arguaient d’une double nationalité belgo-marocaine dont tout le monde savait qu’elle était le résultat d’un imbroglio administratif. Malgré les alertes et les appels des plus hautes instances des Nations Unies et de nombreuses ONG belges et internationales. Dans le silence total depuis son retour en Belgique, il y a trois ans.


Si j’étais le roi Philippe de Belgique, je regretterais publiquement de ne pas avoir activé mes contacts avec le roi du Maroc Mohammed VI pour Ali Aarrass, comme je l’ai fait avec le sultan d’Oman pour Olivier Vandecasteele.


Si j’étais la ministre des Affaires étrangères Hadja Lahbib, je regretterais publiquement l’abandon de ses prédécesseurs d’@Ali Aarrass au Maroc en 2010, alors qu’il avait été innocenté par le juge espagnol Baltasar Garzon. « Nous n’abandonnons, en Belgique, personne. Encore moins un innocent. »


Si j’étais une des personnes qui ont pris publiquement position pour Ali Aarrass durant ces années noires, je ferais tout pour rendre officiellement à cet homme pris dans une tourmente non encore éclaircie l’honneur qu’il n’a jamais perdu. Pour l’apaiser un peu. Parce c’est ce qu’il attend et ce à quoi il a droit.


Mais je ne suis qu’une citoyenne belge, obligée de constater les différences de traitement selon qu’on s’appelle Olivier ou Ali.

Lucie Cauwe, 19 juillet 2023

Ali Aarrass au parlement européen : quand les luttes du passé rencontrent celles d’aujourd’hui

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« J’étais invité au parlement européen pour exiger la liberté des prisonniers politiques et d’opinion, emprisonnés au Maroc.
Un immense plaisir et un honneur d’avoir rencontré les hommes et les femmes qui aujourd’hui sont en train de marquer l’histoire ». Ali Aarrass, 23 mars 2023 

Avec Ignacio Cembrero, Kholoud Mokhtari, Fatiha Cheriffi, Radouan Baroudi….

« L’isolement carcéral = torture », soirée avec Luk Vervaet, Ali Aarrass, Marie-France Deprez, Jean-Marc Mahy 18 novembre 19 h BXL laïque

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Rencontre autour du livre de Luk Vervaet « Ni parmi les Vivants, Ni parmi les Morts, Ce qui attend Julian Assange » organisée dans le cadre des Journées Nationales de la Prison


🆓 Entrée gratuite mais inscription souhaitée : https://tinyurl.com/isolement-carceral
Avec :
👉 Marie-France Deprez, Comité Free Assange Belgium
👉 Jean-Marc Mahy et Ali Aarrass qui ont vécu l’isolement carcéral
👉 Luk Vervaet, l’auteur (également de Guantanamo chez nous ; Le making of d’Anders B. Breivik ; le meurtre de Georges Floyd)

La menace d’extradition vers les États-Unis plane plus que jamais sur la tête de Julian Assange. S’il est extradé et condamné, il risque 175 ans de prison dans des conditions carcérales inhumaines dont l’isolement extrême, ce qui équivaut à de la torture. Cette rencontre dans le cadre des Journées Nationales de la Prison veut contribuer au mouvement pour l’interdiction de l’isolement prolongé dans les prisons.

⛓ La soirée sera également l’occasion de dresser un bilan de la Ligne Info’Prison et de la création de l’association « 9m² », visant à transformer la prison de Forest en musée pédagogique.

📸 Exposition « Détention et santé au prisme du genre » de Anaïs Carton et Pauline Fonsny sur les conditions d’enfermement des femmes migrantes en Belgique.
📖 Le livre sera en vente, sur place, au prix de 10 euros.

Évènement de Journées nationales de la prison – Nationale dagen van de gevangenis et Bruxelles Laïque

Avec le soutien de la Fédération Wallonie-Bruxelles

Où et quand : 
Vendredi 18 novembre à 19 heures, Bruxelles Laïque, Avenue de Stalingrad 8, 1000 Bruxelles

Événement Facebook : cliquez ICI 

Ali Aarrass invité chez Dounia Filali (vidéo) et les Jeunes d’Amnesty international (article)

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Amnesty international Jeunes : Rencontre avec Ali Aarrass

Le 19 octobre 2021, Amnesty International Belgique a organisé une rencontre entre Ali Aarrass et des membres de groupes-écoles et de groupes-étudiants d’Amnesty.

Ali Aarrass est Belgo-marocain. Il a été arrêté en Espagne en 2008, suspecté de trafic d’armes pour un réseau terroriste. L’éminent juge espagnol Baltasar Garzón l’avait déclaré innocent, faute de la moindre preuve, après une enquête de deux ans. Malgré cela, et contre l’avis de l’Organisation des Nations unies (ONU), l’Espagne a accepté en 2010 la demande d’extradition d’Ali Aarrass vers le Maroc. Cela a marqué le début de dix ans d’un véritable enfer. À son arrivée, Ali a été torturé sans relâche pendant douze jours. Il a ensuite vécu l’isolement parfois total, les mauvais traitements et les humiliations. Il a finalement été libéré en avril 2020. Il vit aujourd’hui en Belgique.

À lire ICI

Chez Dounia Filali

https://www.youtube.com/watch?v=H3HVPV4Yr7Y

 

Communiqué de presse des avocats d’Ali Aarrass : La décision contrastée de la Cour européenne des droits de l’homme (2 octobre 2021)

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Ali AARRASS est un ressortissant belge qui s’est fait sauvagement torturer au Maroc, lors de son arrestation, et qui a continué à subir des traitements inhumains et dégradants durant toute sa détention, ce qui est établi par deux décisions du Comité contre la Torture des Nations Unies (affaires 477/2011 et 877/2017).

Fin 2013, quand Ali AARRASS a obtenu la preuve des tortures subies, il a sollicité l’aide de son pays, la Belgique. Celle-ci lui étant refusée, il a saisi les Cours et Tribunaux de l’ordre judiciaire, en référé (urgence), pour obtenir la protection de son droit au respect de son intégrité physique et psychologique, consacré de manière absolue par l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme.

Le Tribunal de première instance, puis la Cour d’appel de Bruxelles, lui ont donné raison, en estimant que la marge d’appréciation des Etats, soit le pouvoir d’appréciation quant à l’intervention ou non des services consulaires, était réduite dans l’hypothèse où un individu subissait des maltraitances graves à l’étranger. Juridiquement, il s’agissait de donner un effet concret à l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme, en reconnaissant l’existence d’obligation positive pour les Etats. Pas une obligation de résultat, bien sûr, mais une obligation d’essayer, au moins, d’assister son ressortissant à l’aide des outils que lui procure le droit international.

Les décisions rendues en référé sont exécutoires par provision. Cela signifie qu’elles sont immédiatement obligatoires, ce qui a contraint l’Etat belge à « faire quelque chose ».

Mais, l’exécutif s’est pourvu en cassation et a obtenu gain de cause. En 2017, la Cour de cassation a jugé que l’Etat belge n’avait aucune obligation vis-à-vis d’Ali AARRASS.

Ali AARRASS a alors introduit un recours auprès de la Cour européenne des droits de l’homme.

Après quatre ans de procédure, la Cour européenne des droits de l’homme a rendu sa décision, le 30 septembre 2021 (affaire 16371/18). Cette décision est extrêmement décevante. En effet, alors qu’il s’agissait de répondre à la question importante et d’actualité « de savoir si l’État belge avait l’obligation positive d’accorder son assistance consulaire au requérant pour empêcher la matérialisation du risque de mauvais traitement durant son incarcération au Maroc », la Cour considère qu’il est inutile d’y répondre. Ceci est peu compréhensible dans la mesure où Ali AARRASS avait été contraint de saisir la Cour européenne des droits de l’homme non pas parce que le Juge des référés lui avait donné tort, mais parce que la Cour de cassation, statuant uniquement en droit, avait cassé l’arrêt de la Cour d’appel contraignant l’Etat belge à venir en aide à Ali AARRASS. Le recours d’Ali AARRASS visait donc principalement à ce que la Cour européenne dise le droit.

Si la Cour européenne des droits de l’homme a finalement « décidé de ne pas décider », il convient de relever que la Cour, dans l’analyse du droit interne pertinent, a souligné que les travaux parlementaires belges liés à la modification du Code consulaire précisait que « la limitation de l’assistance consulaire à un binational dans l’État dont il possède également la nationalité, n’exclut […] aucunement la possibilité pour le poste consulaire ou diplomatique d’octroyer l’assistance humanitaire si elle constate que les droits de l’homme du binational ne sont pas respectés » (point 25). De surcroit, c’est au motif que, selon son appréciation, « les autorités belges ne sont pas restées passives ou indifférentes. Au contraire, elles ont, en pratique, à plusieurs reprises et notamment après l’ordonnance du président du tribunal de première instance de Bruxelles du 3 février 2014 (paragraphe 13 ci‑dessus), effectué des démarches auprès des autorités marocaines, soit sur une base diplomatique soit pour des motifs humanitaires, pour faire évoluer la situation du requérant » que la Cour européenne a déclaré le recours d’Ali AARRASS irrecevable. Ceci revient à considérer que, parce que les autorités belges ont respecté des décisions de justice que l’arrêt de la Cour de cassation a annihilées, il n’y a pas lieu de décider si l’arrêt de la Cour de cassation est conforme ou non à la Convention. Etrange raisonnement.

Pour critiquable que soit le raisonnement tenu et regrettable le refus de statuer sur la question identifiée dans l’arrêt lui-même, il n’en demeure pas moins que, si la Belgique n’a pas été sanctionnée, c’est parce qu’elle a agi, dans une mesure jugée adéquate et suffisante par la Cour, en faveur du respect des droits fondamentaux d’Ali AARRASS. Autrement dit, dans un contexte politique tendu compte tenu de la « crise syrienne », la Cour a « temporisé ». Elle a refusé d’avaliser la thèse défendue par l’Etat belge, consistant à dire qu’il n’avait aucune obligation envers les Belges torturés ou victimes de mauvais traitements à l’étranger, et laissé la porte ouverte à d’autres requérants. A d’autres ainsi de reprendre le flambeau porté par Ali AARRASS.

Pour l’équipe de défense

Me Dounia ALAMAT (+32.484.65.13.74; da@v3avocats.be) – Me Nicolas COHEN (+32.470.02.65.41 ; nc@juscogens.be) – Me Christophe MARCHAND (+32.486.32.22.88 ; cm@juscogens.be)

Fragments de vie carcérale (9), texte et dessins d’Ali Aarrass

dans ACTIONS/ARTS/LA PRISON AU MAROC/TORTURE par

Durant toute ma vie, j’ai bossé très dur et cela depuis mon adolescence. Je suis devenu indépendant très tôt. Ceci-dit j’ai acquís des responsabilités, mais surtout une connaissance culturelle, humaine, dans ses valeurs, ses faiblesses. Tout ceci bien sûr en étant en liberté, sans que personne ne m’impose ou me donne des ordres. La fierté de ce mode de vie, le contact humain ne manquait pas ! Mais mon destin en avait voulu autrement, que je sois privé de ma liberté .

Là,  en isolement sensoriel, il fallait faire preuve de résistance ,  de beaucoup de patience, en bref apprendre à mieux se connaître.

J’aimerais attirer votre attention, l’être humain entre ces maudits quatre murs va s’identifier par lui-même. Certains craqueront très vite, ils seront condamnés puis ils devront prendre une décision pour le reste des années qui leur reste à faire et sur la façon dont ils voudront les mener jusqu’à leur libération.

D’autres refusaient  d’être dans ces conditions dures et pénibles.  Ils vont chercher le moyen le meilleur et le plus facile de se faire une place  parmi les matons: être leur pion, leur mouchard, leur marionnette, ils pourront ainsi avoir accès à des  tâches de nettoyage, distribuer la nourriture etc… dans tous les quartiers pour tenir informés les matons et pourquoi pas, même le directeur.

En échange d’une semi-liberté  et de ne pas rester enfermés pendant des journées interminables en prison. À savoir aussi, les établissements pénitentiaires savent très bien qu’il leur faut quelqu’un pour approcher les prisonniers. J’ai découvert en prison cette créature faible, égoïste, qui était capable de balancer son compagnon de cellule ou de prison, seulement  pour ne pas rester enfermé !!!

Malgré tout cela, ils n’avaient pas accès à nos ressentis et à nos intentions, car nous aussi nous étions informés par certains gardiens qui nous dévoilaient les mouchards qui coopèrent avec les matons…

Vous comprendrez que cette petite histoire est  celle des esprits fragiles et vulnérables,  qui n’ont pas encore acquis  le savoir ou la connaissance des vraies valeurs d’un être humain et de sa dignité, ils  finiront bien par succomber à  leurs désirs. La prison est un lieu où les détenus doivent construire une solidarité, une empathie entre eux, le monde extérieur, celui où la majorité des gens les considère comme des criminels…J’aimerais vous rappeler, chez l’être humain il y a toujours au fond de lui-même un cœur, avec des regrets, des remords,  aussi  avec des sentiments. Je ne peux leur en vouloir,  la condamnation leur suffit comme punition.

Ce qui est clair, c’est  que quand ils ne leur sont plus  d ‘aucune  utilité. Ils les dévoilent au reste des détenus…

Il était important de savoir qui était qui, de connaître les bons et les méchants, ceci afin de ne pas commettre d’erreur et d’éviter le cachot.

Aujourd’hui, je fais appel à tous ceux et celles qui ont une famille en prison. Oui, je dis bien une famille, car le prisonnier, c’est à ce moment-là, durant toutes les années pendant lesquelles il sera privé de liberté qu’il aura besoin de vous plus que jamais !

Je comprends que cela devient très long et dur parfois. Mais il est fondamental pour lui de ne pas  se sentir oublié. Aussi, j’aimerais que vous essayiez de leur faire savoir qu’il est très important de nous transmettre de leurs nouvelles et leurs témoignages. Vous êtes  les seuls à pouvoir les approcher et les  écouter.

Quant à  nous-mêmes les ex prisonniers. Nous n’avons pas d’excuse à  donner ! Surtout si nous  avons le temps et les capacités de faire entendre notre voix dans le monde !

Je sais de quoi je parle. A cette occasion, j’en profite pour remercier toute ma famille,  spécialement  ma très chère sœur Farida, mes prunelles, mon autre moitié que j’aime énormément, celle qui a remué ciel et terre pour son frère et tant d’autres.  Je me rappelle en prison, beaucoup des détenus conscients du combat qu’elle a mené durant ces longues années me disaient bravo et merci infiniment pour ta sœur Farida. Et je pouvais être fier de t’avoir comme sœur.

Bien entendu, je remercie Luk Vervaet qui n’a jamais rien lâché, ni baissé les bras pour les injustices que m’ont infligées ces » états »: l’Espagne, le Maroc et la Belgique par son silence. Luk Vervaet,  un homme qui sait écouter les autres,  et avec  de grandes qualités, une  grande expérience dans le militantisme, très solidaire, avec un grand cœur. Aujourd’hui je lui dis, merci infiniment de ne pas avoir laissé seule ma famille depuis le début de ce combat… Aussi j’aimerais saluer et remercier le Comité Free Ali et tous ceux et celles qui n’ont jamais baissé les bras !

Et bien sûr tous les militants, et les ONG… des hommes et des femmes conscients courageux. Voilà pourquoi l’engagement d’une famille est très important. Cela m’était un soutien et un encouragement pour continuer à me battre jusqu’à ma libération car je m’étais fixé un objectif bien avant de sortir. Oui, un engagement prioritaire pour les opprimés et les humiliés. Mais cela demande la coopération d’une présence humaine. J’aimerais interpeller la conscience dont vous disposez. Nous ne pouvons pas rester indifférents, nous devons contribuer et agir contre les injustices, il ne faut pas attendre d’être touché ou privé de notre liberté et de notre dignité pour se dire, pourquoi n’ai-je pas réagi avant. Chacun de nous possède des capacités, des valeurs. Sommes- nous des égoïstes ? Je profite de cette occasion pour remercier tous ceux et celles qui ont milité avec ferveur pour la libération des prisonniers politiques et d’opinion partout dans le monde.

J’ai toujours  cru et dit qu’il fallait se  défier soit même, et cela malgré les  conditions extrêmes de la vie carcérale. Il fallait mettre mon corps à l’épreuve. Il n’y avait pas d’autre endroit, mieux qu’une prison, plus dur encore  quand c’est en isolement…

Ma première grève de la faim, c’était en Espagne dans le sud. La prison de  Botafuego  à  Algeciras. Après  une longue procédure  d’attente  pour être jugé ou  extradé au Maroc.  Le risque étant permanent…

Une décision très lourde  que  je devais prendre. Après m’être renseigné d’une fenêtre à une autre. J’étais convaincu que la grève ferait pression et ferait freiner la décision d’être extradé, une extradition arbitraire, injustifiée, une violation des droits  de l’homme…

Conscient des risques, des conséquences pour ma santé, sans tarder après en avoir informé les avocats, j’ai entamé une grève de la faim qui allait durer une trentaine de jours, puis  une deuxième d’une quarantaine de jours et la dernière avant d’être extradé au Maroc, qui durera quarante-trois jours, celle-ci j’ai dû l’arrêter une fois arrivé en dépôt à la prison de Salé ll. Mais avant, ils m’ont fait passer par le centre secret de Témara pour y être torturé… 

Voici un bref résumé de mes grèves de la faim.

La première chose à faire était de l’annoncer par écrit au ministère de justice, et au directeur de la prison, ceci afin d’officialiser la grève. J’avais fait un stock d’eau dans ma cellule. Ma famille m’avait tenu au courant  de tout par téléphone.

Les premiers jours, je sentais la faim je me faisais contrôler par le médecin. Ils savaient très bien que j’étais sérieux, ils pouvaient aussi le remarquer à ma perte de poids… Dans le régime carcéral, ils ont l’habitude, l’expérience et savent reconnaître ceux qui sont en grève vraiment  et décidés à terminer leur combat.

J’ai dit ultérieurement, que j’étais sous un contrôle très rapproché. C’est-à-dire le contrôle direct. Je devais rester calme et couché, afin de ne pas trop consommer mes forces, il fallait que je résiste le plus longtemps possible. Les grèves ont été mon seul moyen pour me défendre depuis mon isolement. Ils m’ont poussé à mettre ma vie en danger, contre toutes les injustices, malgré ça, je me sentais impuissant entre ces quatre murs. Je savais qu’à  l’extérieur, il y avait des actions menées pour protester contre mon extradition donc je devais mettre mon grain de sable aussi.

Ces trois grèves officielles en Espagne étaient pour moi la seule défense, même si je mettais ma vie en danger. Malgré tout cela, ils avaient déjà tout planifié en accord avec le Maroc, pour que je sois sacrifié !

Je ne pouvais rester sans rien faire. Ma conscience ne me le permet pas ! Vous ne pouvez imaginer les conditions en isolement, et surtout en grève de la faim.  Être seul est, certes, une impuissance, le temps passe très lentement. Le plaisir et l’envie de manger se ravivent dans le cœur et le cerveau. Même les matons m’incitent à  manger en cachette.

Les médecins aussi, mais ajoutant  » bravo Ali, mais tu dois comprendre que tu es en train de foutre en l’air ta santé et les conséquences tu les auras plus tard « . Je leur disais « que je n’avais d’autres choix pour  défendre mon innocence « . Ce sont les mêmes incitations et les mêmes commentaires, pour les trois grèves de la faim que j’ai faites dans cette prison d’Algeciras (Botafuegos ). 

Le directeur en personne s’est présenté dans ma cellule, c’était la première fois que je le voyais. Il m’a dit « Ali, tu as le droit de te défendre, mais sache que d’autres prisonniers sont morts .

Il faut laisser le temps  à la justice de faire son travail ».  Que faut-il répondre à ce commentaire selon vous ? J’étais sûr  que ce directeur ne voulait pas ou n’aimait pas  comme tous les autres d’ailleurs, avoir des problèmes avec la justice. Car il y a risque d’en mourir… Surtout quand il s’agit d’un prisonnier politique et d’opinion. Attention, je vous parle de trois grèves de la faim en Espagne !!!

Par-contre au Maroc.  Tu pouvais mourir autant de fois, cela ne leur faisait ni chaud ni froid. Et si tu es mort en prison, ils t’emportent à l’hôpital, celui-ci fera un rapport qui dit que « ce prisonnier est bien mort à l’hôpital « !!! Tous complices !

La pure dictature du Maroc. De père en fils, une dynastie aveuglée par le pouvoir, des criminels sans état d’âme, qui laissent le peuple dans la misère.  Tous ceux qui osent lever la voix contre ce régime , ils seront condamnés.

Vous avez le prisonnier Nasser Zafzafi qui a servi d’exemple. Qu’a-t-il fait pour être condamné à  20 ans d’emprisonnement ? Pour  sa dignité et celle de son peuple, il s’est levé, il a lutté, pacifiquement pour demander des hôpitaux, du travail, des infrastructures, des écoles etc… dans le Rif ( Alhoceima ) qui est abandonné aujourd’hui par ce dictateur de roi M6 avec la complicité des Européens par leur maudit silence.

Ils veulent déraciner l’histoire de nos ancêtres, mes racines ! Une civilisation humaine qui durant des siècles, nous a enseigné l’amour pour l’humanité et le respect de nos terres sacrées. Il faut comprendre, que pour des prisonniers déterminés dans leurs convictions et convaincus de leur innocence, il serait difficile   de  faire taire leur voix !!! J’aimerais pousser un grand cri, hurler à nouveau, mais cette fois-ci depuis ma semi-liberté. Car d’autres prisonniers innocents continuent à être torturés, en isolement, et   d’être oubliés… Nous devons être solidaires avec eux ! Nous sommes leur voix ! Nous prenons la relève ! Sans peur, sans relâche ! Apprenons à nos enfants l’amour de notre terre, ses  valeurs. Oui, c’est un travail qui donnera ses fruits, alors  vous pourrez être fiers de ce jour-là…Nous ne pouvons pas rester indifférents à notre chère terre qu’est le Rif. L’histoire nous  enseigne l’unité. Il y a des hommes et des femmes capables de faire bouger des montagnes.

Une histoire avérée comme celle du Rif, personne ne peut la démentir.

Elle est là, pour  ceux et celles qui ont encore l’amour sacré du Rif, notre terre !!! Je reviens à l’isolement en Espagne. L’un des détenus qui sortait à la cour avec moi, très jeune, n’avait pas encore été condamné, la justice espagnole devait rendre son verdict dans les 2 ans, même si elle le soupçonnait, elle n’avait pas assez de preuves, elle prolongera 2 années de plus son attente. Il avait été arrêté pour falsification d’argent. A la veille de son mariage, il avait été arrêté, ils avaient découvert un billet de 300€, imprimé chez lui, plus quelques joints pour passer la soirée. Oui vous  avez bien compris, c’était bien  un billet placé là exprès, un coup de jalousie, quelqu’un ne voulait pas qu’il épouse cette fille. La preuve, elle n’a pas tardé à  demander le divorce alors qu’il était encore en prison ! Voilà une histoire de films…

La « justice » a dû le libérer faute de preuves. En Espagne, les prisonniers pouvaient écrire des lettres d’une prison à l’autre. Communiquer d’un isolement à l’autre était très important pour le moral et échanger des nouvelles entre eux. D’autres font des connaissances avec des prisonnières femmes…

Ils pouvaient même faire une demande officielle pour un mariage et être regroupés dans une prison pour vivre ensemble. C’est le cas de la prison où j’ai été, Algeciras, et en plus , ils leur  donnaient un boulot dans les ateliers. Ils étaient payés à l’époque 400€ par mois sur leur compte. Aussi ils avaient priorité et des avantage,   ils étaient condamnés à de longues peines.

D’autres gardent leurs bébés jusqu’à l’âge de 5 ans. Par la suite, ils seront remis entre les mains de leur famille pour aller à l’école, le week-end ils viennent rejoindre leurs parents en prison, malheureusement.

Oui, je  me suis posé la même question que vous. Pourquoi dans les prisons qui sont commanditées par le roi du Maroc, le dictateur M6 n’a pas cette stratégie ou ce projet de réinsertion humaine ???

Il est facile d’inaugurer et d’ouvrir  des prisons, partout dans le Maroc,comme celle de Salé ll, Tiflet ll, Toulal ll, Tanger ll, Salouna ll, Aarjat ll ( El Filahi). Et bien d’autres encore, qui seront réservées pour torturer et maltraiter le peuple marocain… A savoir, qu’ils sont en train d’anticiper des arrestations bien  montées, des « réseaux » qui ne se connaissaient même pas, et pour ceux qui manifestent pacifiquement contre ce régime criminel policier… Le Maroc est très loin des droits fondamentaux. Non seulement dans  ses prisons, mais dans toutes ses « institutions », s’il faut appeler cela comme ça !!! Une tyrannie comme celle du roi du Maroc, n’acceptera jamais qu’il y ait une démocratie, un état de droit, une liberté d’expression.

 Jamais !!! Voilà l’une des réalités et la raison pour laquelle il continue à construire d’autres prisons… Des hommes et des femmes, conscients et courageux nous ont enseigné de continuer à persévérer et de ne jamais perdre espoir ! Je me rappelle d’une visite à la prison d’Algeciras d’un député d’un parti politique d’opposition, du parti socialiste qui gouvernait à l’époque, dont je ne dirai pas le nom. Par la vitre qui nous sépare, il  m’a dit : «  Monsieur Aarrass, sachez que nous sommes avec vous. Gardez l’espoir, votre famille va bien, vous n’avez pas  à vous inquiéter. Vous devez rester fort, ceci est une épreuve pour vous ». Et pour  terminer, il a ajouté « vous savez qu’elle est la différence entre un chameau et un âne » ? Je lui ai dit, « deux créatures fortes et robustes, pour rendre service à l’homme ». C’est vrai, mais  d’un autre point de vue, « La tête de l’âne est tout le temps baisée. Par contre, le chameau, sa tête, elle  est toujours levée et il est plus résistant que l’âne dans le désert. » Puis il est reparti  en disant, « cette procédure qui est la vôtre prendra du temps , c’est une affaire politique. Soyez courageux « . 

Voilà une visite que je n’avais pas demandée. Elle m’a été un rappel et d’un vrai soutien moral, pour voir plus clair dans  mon cas qui commençait à se compliquer. La pression, la solidarité étaient là, celle des ONG internationales, du comité Free Ali, tout le temps présent sans rien lâcher. Plus mon grain de sable : les grèves de la faim… Quelques  jours plus tard, une autre visite. Deux hommes  en civil se présentent l’un était le directeur chargé de la sécurité interne qui coopère avec les services secrets espagnols (CNI). Celui-ci, j’avais déjà reçu sa visite les premiers jours de mon arrivée. Il voulait en savoir plus sur moi-même : formalités sécuritaires, comportement, caractère, conviction, idéologie, religion…

L’autre qui l’accompagnait en civil voulait me connaître en personne, il jouait le rôle du  policier gentil. Voilà le résultat de la deuxième grève de la faim qui avait duré une quarantaine de jours.

La visite du directeur dans ma cellule pour me convaincre d’arrêter ma grève. Puis la  visite du député politique qui se montre solidaire  avec mon combat. Et la visite du directeur de la sécurité interne, accompagné de l’agent des services secrets espagnols ( CNI ) .

Malgré tout , ils n’ont pas pu me convaincre. Une grève de la faim est une dure décision à prendre, dès le début, je me suis fixé dans ma  tête de terminer ce combat même en mettant ma vie en danger.

Concernant les conséquences sur ma santé, J’ai pris mes responsabilités et j’ai assumé  jusqu’à la fin. Les encouragements, les soutiens à l’extérieur des militants solidaires avec cette noble lutte acharnée m’ont donné de l’espoir et le courage de continuer en persévérant tous les jours !!!

Le contact humain, en  étant isolé, devient inexistant. J’ai dû rester en cellule, il me fallait rester le plus calme possible sans  trop consommer mes forces.

Pour la troisième grève, aussi les mêmes techniques et la même expérience. Officiellement mes doléances étaient acceptées. Prouvée par les médecins dans leur rapport médical, sur mon état  de santé particulier, les contrôles qu’ils faisaient tous les jours, prouvée la crédibilité de ma grève de la faim.

Malgré les trois grèves officielles, j’ai été transféré à Madrid et extradé arbitrairement !!! Aujourd’hui, je résume ceci par une grande victoire.

Oui, depuis le début j’ai combattu ces injustices, pour prouver mon innocence, celle  qui avait été prononcée  par le juge Baltazar Garzón, qui  sans relâche a fait une enquête minutieuse et cela à mon insu, avant et après mon arrestation. Il est vrai qu’ils m’ont dérobé 12 années de ma vie !

Il est vrai aussi qu’ils m’ont torturé et terrorisé ma chère famille ! Comme il est vrai aussi, qu’ils ont essayé de me briser et de me faire taire dans les pires isolements d’Espagne et ceux du Maroc, mais en vain.

Oui, je me rends compte après tant d’années, que  j’ai survécu ! Aujourd’hui encore, il y a d’autres prisonniers politiques et d’opinion, des journalistes d’investigation aussi , qui ont été arrêtés et condamnés injustement, puis isolés du monde extérieur et intérieur. Ils veulent  les faire oublier !

 

 

Fragments de vie carcérale 8 , par Ali Aarrass

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Permettez-moi de vous aider à trouver quelques raisons pour comprendre le comportement des matons : 1- La peur. 2- La méfiance. 3- La routine. 4- Les états d’âme… Je vous laisse en ajouter d’autres ou laisser un commentaire.

Il y a la peur d’être surpris, d’avoir de l’empathie avec les détenus et de perdre son emploi ! La méfiance vis-à-vis des prisonniers, qui peuvent être menacés par les autorités, qui peuvent leurs faire du chantage, et qui finiront par mettre le gardien en danger. La routine, d’avoir l’habitude de « travailler » en maltraitant, en torturant, puis il rentre chez lui comme s’il n’avait rien fait de mal. L’état d’âme prêt à donner corps et âme pour ses subordonnes, aveuglé des yeux et du cœur, aucun civisme, ni pitié, capable de rester dans un poste qu’ils lui ont désigné dans n’importe quel domaine et endroit, de résister à n’importe quelle condition et de faire face.

Aujourd’hui, libre, en regardant cet immense espace devant moi, avec des humains, enfin solidaires, conscients, audacieux, admirables et adorables… Là, je me rends compte où j’étais durant ces douze années, où le néant règne et auquel il a fallu faire face chaque jour !

Je vous demande d’écouter, écouter les cris des opprimés, des humiliés, entre ces quatre maudits murs. Dans le noir, ils nous demandent de l’aide contre les oppresseurs. Nous devons manifester la solidarité, l’amour pour cet humain. Nous ne devons pas craindre le silence du pays. Nous devons le traduire dans notre langage. D’autres sont ignorants et inconscients de la réalité de ces crimes. Je leur dis, mais depuis quand avez-vous les yeux dans le dos ?

Que fais-tu de l’être humain ? Avons-nous tous besoin d’une sage-femme pour accoucher ?

Voici l’une de réalité de la vie humaine. Un bébé ne peut pas retourner dans le sein de sa maman, quand la vie lui devient trop pénible ! Avant d’être kidnappé, dans le miroir, je me voyais vieillir. Dans la vie carcérale sans miroir, je me voyais avant que les autres me voient et me jugent. À savoir que nous finirons tous un jour par découvrir une île inexplorée, elle le restera toujours (la tombe).

Je me rappelle qu’à l’âge de dix ans, j’avais suivi un cortège de funérailles au cimetière de ma ville natale (Melilla) pour l’enterrement d’un voisin espagnol, j’étais impacté de voir mon voisin sous terre et enterré !

Que peut-on dire aujourd’hui de tous ces enfants partout dans le monde, traumatisés, terrorisés et affamés sans leurs parents, condamnés à rester seuls… Si cette image de mon voisin enterré, que je n’arrive pas à oublier, me revient encore après plus de quarante ans, je vous laisse imaginer les enfants dans quel état psychique ils doivent être. Moi non plus, je n’arrive pas à me débarrasser des tortures qu’ils m’ont infligées.

En cellule, je commence à sentir la fin des travaux, de moins en moins de bruit, les caméras étaient installées et testées. Tout ceci donne l’espoir de voir le bout du tunnel. Mais rien ne se présentait pour nous annoncer la fin de privations de nos droits fondamentaux, rien !

Depuis tout ce temps passé en isolement en Espagne et au Maroc, la négligence et la non-considération de l’être humain étaient identiques. C’est comme le menuisier qui fredonne de la même façon en fabriquant un rebec ou un cercueil !

Ma lune de miel des douze années est terminée. Maintenant il faut passer à l’étape suivante du combat, avec de la patience et beaucoup de sagesse. La récolte sera très bonne…

Revenons aux isolements.

En Espagne, d’une prison à l’autre précisément à Algeciras (Botafuegos ), je devais attendre la décision de la justice et la procédure était très longue.

En parallèle j’avais écrit à l’ambassade belge à Madrid, c’était mon quatrième courrier, mais en vain. C’est à partir de ce moment que j’ai commencé à me poser des questions. Pourquoi tant d’injustices ici, mon enlèvement, l’insalubrité sinistre des prisons en isolement. Mon transfert dans cette prison était fait pour faciliter les visites de ma famille. Le climat était aussi très bon, contrairement à Madrid.

Dès mon arrivée, après toutes les formalités et l’installation dans ma cellule, la porte blindée s’est ouverte d’un coup et trois gardiens étaient là, prêts á me faire sortir à la cour. Une fois qu’ils ont terminé la fouille corporelle, l’un d’eux m’a dit : « Ali , tu vas sortir à la cour en compagnie d’autres prisonniers, tu es d’accord ? »

Je ne m’attendais pas à ce qu’ils me le proposent et demandent mon accord. J’ai répondu que s’ils veillent sur ma sécurité, il n’y avait pas de problème pour moi. Un autre me répond, « ici on sait bien faire notre travail, tu n’as pas à t’inquiéter ». Ceci signifie qu’ils étaient prêts à intervenir, on était sous surveillance constante. La grande porte qui donne vers la cour s’ouvre, je vois cinq prisonniers s’approcher pour me saluer et, sans tarder, ils m’offrent à boire un café de la cantine juste à côté de la cour…

C’est bien la première fois que je suis sorti avec autant de détenus, six mois après mon enlèvement. Une règle en prison était de se montrer solidaire avec les nouveaux arrivés, de ne pas leur poser des questions, d’attendre qu’ils soient à l’aise pour raconter sans obligation le pourquoi de leur arrestation. En isolement, les détenus sont très vite dévoilés. Par-contre, dans les quartiers des droits communs où la surpopulation fait ravage, il est difficile de savoir qui est qui. Sauf si les gardiens veulent divulguer qui est pédophile, violeur et d’autres cas d’abus.

Alors je vous laisse imaginer l’enfer et comment il serait reçu par d’autres prisonniers qui n’ont rien à perdre. Je me rappelle un prisonnier isolé totalement à la frontière avec le Portugal en Espagne (Badajoz). Celui-ci, durant les quatre mois que j’ai passés là-bas, sortait seul, parce qu’il avait tué des vieilles dames dans leur ascenseur. Il avait fait la une des journaux et à la télévision. Ces prisonniers, ils avaient bien l’intérêt à rester isolés, car ils risquent l’impasse.

Des histoires comme celles-ci se répètent souvent en Espagne. Tout le contraire des prisons du Maroc ! Ce qui était dégoûtant, c’était de voir des violeurs d’enfants et ceux qui les ont maltraités et tué leur femme, être reçus avec des embrassades, c’était l’hypocrisie totale. Cette scène m’avait choqué. La moindre des choses était de les affronter afin qu’ils les changent de quartier ! Quand tu lui en fais la remarque, hypocritement, il te répond qu’ici on est tous égaux. Ne pensait-il pas à la victime qui aurait pu être l’une de sa famille ?

Fragments de vie carcérale (7), par Ali Aarrass

dans ACTIONS/EXTRADITION/Fragments de vie carcérale/LA PRISON AU MAROC/TORTURE par
(Photo souvenir : quand Karima a visité Robben Island en Afrique du Sud, elle a posté ce message derrière les barreaux de la cellule où Nelson Mandela a été enfermé pendant 18 ans)

 

 

 

 

Nelson Mandela, toute sa vie, il l’a sacrifiée pour l’être humain et sa dignité. Son combat ne s’est pas arrêté quand il fut mis en prison, non ! Il a continué à se battre durant les 27 ans d’emprisonnement. Il s’est battu, il a lutté et fédéré contre l’apartheid : un racisme d’état, la discrimination, l’esclavage. Il s’est opposé à tous ceux qui ont essayé de rendre les noirs au néant et faire d’eux des créatures inférieures.  

Je vous invite à lire son histoire sous le nom « Un long chemin vers la liberté ». Vous comprendrez en le lisant, les valeurs d’un être humain qui a sa place sur cette terre. Vous allez vous retrouver parmi d’autres personnes qui refusent de voir la réalité en face, aveuglées par le racisme, l’orgueil et leur couleur de peau. Aussi le sacré de l’être humain, le vrai et le faux qui se cachent en lui…

Mandela était pour moi un leader, un exemple à suivre. Il a fait comprendre à son ennemi et à son semblable qu’il n’était pas haineux, après tous les crimes qui ont été commis contre des humains durant de longues décennies.

J’aimerais vous faire savoir et partager mon sentiment, concernant mon point de vue sur la haine. J’ai été kidnappé depuis le poste de mon travail, par le gouvernement espagnol, arrêté arbitrairement et mis en détention dans l’isolement total. Deux ans et neuf mois après que la justice m’a donné un non-lieu, j’aurais dû être libéré tout simplement parce que j’étais innocent. Mais le gouvernement a l’époque en 2008 du parti socialiste ouvrier ne l’a pas voulu ainsi, car ils voulaient m’extrader au Maroc. La suite, vous la connaissez et pour ceux et celles qu’ils l’ignorent encore, allez sur le site freeali.be.

Après toutes ces années d’injustice, des tortures abjectes, grâce à la complicité de l’Espagne, qui était censée respecter la décision de la justice, dans un État de droit, et face à la non-assistance de l’État belge qui a tourné le dos à son citoyen durant 12 années, pendant lesquelles je n’ai pas arrêté de demander aux autorités belges d’intervenir et de défendre un innocent, un citoyen qui voulait une assistance consulaire, douze années pendant lesquelles je voulais simplement leur parler et qu’ils m’écoutent personnellement… Aujourd’hui, devrais- je avoir de la haine d’après vous ?

Non, jamais ! Parce que la haine te dévore les entrailles, te détruit à l’intérieur de ton corps et te pousse à la vengeance. Par-contre, là, maintenant en ce moment, c’est la rage qui ne me quitte pas : une rage issue de toutes les injustices, des crimes, des violations avec la complicité de l’Espagne, du Maroc, des tortures abjectes et le silence de l’État Belge à l’égard de son citoyen…

Oui, il y  cette rage en moi, qui me pousse à marcher la tête haute, pour défendre d’autres prisonniers, aujourd’hui abandonnés, après avoir été eux aussi torturés et condamnés injustement et arbitrairement et surtout au Maroc…

Bien entendu, une rage en moi pour que je puisse continuer à me battre et dénoncer ces tortionnaires, les bourreaux et les poursuivre en justice. Aujourd’hui tout le monde sait que j’avais dénoncé les tortures abjectes qui m’ont été faites. En étant encore en prison, car je ne voulais pas que d’autres subissent les mêmes traitements cruels. Oui, il fallait que cela marque une fin…

En Espagne, l’un des avantages était que je maîtrisais la langue espagnole. Ma langue maternelle, comme le rif et le français qui durant toutes ces années étaient un bagage très utile, pour pouvoir faire face au monde carcéral.

Dans pas mal de circonstances, j’ai pu éviter des conflits avec d’autres détenus qui manigançaient d’une fenêtre à une autre en langue espagnole. Ce qui est important à retenir chez ces prisonniers, c’est qu’il faut leur parler dès le premier jour de ton arrivée, te présenter poliment avec du respect et les inviter à boire un café ou une infusion pour leur montrer ta solidarité…

Car enfin on était tous dans les mêmes circonstances de détention. À chaque fois que j’ai été transféré, d’une prison à une autre, sans tarder on faisait les présentations, on discutait longuement et on partageait nos expériences de vie carcérale depuis nos fenêtres.

Du coup, voilà que le distributeur des boissons chaudes est arrivé dans notre module d’isolement, j’ai passé commande pour moi et aussi pour les plus vulnérables qui n’ont pas d’argent sur leur compte. Se faire servir dans la cellule une boisson chaude était un moment d’humiliation mais, en même temps un plaisir, boire une boisson chaude durant les 23h enfermé était un bon moment de notre existence et l’espoir de quitter un jour cet affreux endroit!

Dans toutes les prisons du monde, la torture existe ! Mais au Maroc, la torture c’est une routine; la corruption règne dans toutes les institutions juridiques, administratives, sociales et pénitentiaires, ajouté à tout cela, l’anarchie totale. Par la répression au quotidien du peuple marocain, ils veulent nous faire croire que le Maroc est en voie de développement !

Restons au Maroc, précisément à la prison de Salé ll, là où j’ai passé 6 ans d’isolement avant d’être transféré à l’autre prison de Tiflet ll. J’aurai l’occasion de partager avec vous mon témoignage…

Dans l’isolement de Salé ll.

Les minutes, les heures, les jours, les semaines, les mois passent lentement, très lentement. Coupé du monde extérieur et intérieur. Les fouilles se faisaient très vite et souvent, pour nous provoquer et tester nos réactions et notre dignité. Aujourd’hui, en ce moment, quand je rembobine mon vécu durant toutes ces années-là, je me rends compte que j’ai vraiment survécu à toutes ces épreuves et atrocités barbares et inhumaines !

Je me suis demandé pourquoi de telles pratiques, de telles méthodes de torture physique et psychologique, nous étaient infligées.

Une phrase que les matons répétaient souvent était : « Ali quand tu sortiras en liberté, tu oublieras toutes ces années » Que peut-on répondre à ces tortionnaires, qui ont été choisis et sélectionnés pour nous infliger ces traitements inhumains ? Surtout quand ils montrent de la fierté en voulant nous rabaisser et nous humilier par de tels propos !

Un bon matin, j’entends des bruits de travaux et je sens des odeurs de soudure. À quoi cela vous fait penser ? Oui, ils étaient en train de terminer les travaux à la prison. La prison de Salé fut inaugurée à la fin octobre 2010. Je suis arrivé le 24 décembre 2010, ceci explique le criminel de l’état marocain, celui du vite fait mal fait, ils étaient pressés de nous enfermer comme des criminels coupés et privés de tous nos droits fondamentaux.

Comment peut-on accepter et oser infliger de telles conditions d’emprisonnement à des êtres humains qui n’étaient pas encore condamnés, donc présumés innocents ?

À qui faut-il en vouloir pour une partie de tous ces crimes ? À l’Espagne ou au Maroc ? Ou à la Belgique pour avoir gardé le silence durant ces 12 années ?

Non ! Je n’ai pas de place dans le cœur pour la haine ! Mais bien pour la rage !

Un matin, la porte s’ouvre comme d’habitude, le petit-déjeuner était là sur le sol, je me suis penché pour vite le prendre, avant qu’il ne soit poussé par le pied du maton. J’ai remarqué de longs fils de câbles électriques de couleurs différentes dans le couloir. Je devais attendre l’arrivée du gardien chargé du quartier, pour savoir à quoi serviront les câbles. Des jours ont passé et à chaque fois que la porte blindée s’ouvrait pour le repas, je ne voyais pas de gardien, les câbles étaient toujours là au sol.

Un jour, j’entends que quelqu’un parle au talkie-walkie, il dit à son collègue : « je suis au quartier ( B ) couloir 2 » et l’autre lui répond : là-bas, tu installes les deux caméras fixes ». Alors, une fois de plus je vous demande de réfléchir. Pourquoi de tels traitements inhumains nous ont été infligés quand nous étions hors caméra ? Est-il impossible pour ces matons d’être humains et aimables quand ils ne sont pas surveillés par des caméras ? Dites-moi pourquoi !

 

Nelson Mandela (1994: 340–1) : « The challenge for every prisoner, particularly every political prisoner, is how to survive prison intact, how to emerge from a prison undiminished, how to conserve and even replenish one’s beliefs.
The first task in accomplishing that is learning exactly what one must do to survive.
To that end, one must know the enemy’s purpose before adopting a strategy to undermine it.
Prison is designed to break one’s spirit and destroy one’s resolve. To do this the authorities attempt to exploit every weakness, demolish every initiative, negate all signs of individuality – all with the idea of stamping out that spark that makes each of us human and each of us who we are. »
 
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