Une victoire éclatante : la Cour constitutionnelle espagnole reconnaît que l’Espagne n’a pas protégé Ali Aarrass contre la torture au Maroc et qu’elle doit lui rendre justice et réparation

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Tribunal constitutionnel (Espagne) — Wikipédia  Le 10 avril 2024, par six voix contre cinq, la Cour constitutionnelle de l’Espagne a annulé les différentes décisions des tribunaux espagnols concernant Ali Aarrass. Elle reconnaît qu’Ali Aarrass a subi une violation de ses droits fondamentaux. En effet, selon la Cour, l’Espagne n’a pas tenu compte des rapports de l’ONU sur Ali Aarrass et l’a extradé illégalement au Maroc. Ali Aarrass n’a ainsi pas bénéficié de la protection judiciaire de l’Espagne contre les tortures et les traitements inhumains ou dégradants, proscrits par la Constitution espagnole et qui se sont pratiqués au Maroc à son encontre. Toujours d’après ce jugement historique, ceci constitue une violation de l’article 7 du Pacte relatif aux droits civils et politiques, signé à New York en 1954 par de nombreux pays, dont l’Espagne. Cet article dit que « personne ne sera soumis à la torture ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ».

Après près douze ans de torture et d’isolement, ce jugement est une victoire pour Ali Aarrass qui, quatre ans après sa libération, est toujours sous traitement médical pour TSPT (troubles de stress post-traumatique). C’est une victoire pour sa famille. Pour la campagne de solidarité. Pour les avocats Dounia Alamat, Nicolas Cohen, Christophe Marchand et Jose Luis Galan Martin, qui n’ont jamais renoncé à porter l’affaire Ali Aarrass devant les plus hautes instances juridiques.

Un rappel des faits

Nous sommes fin 2010. Ali Aarrass se trouve depuis deux ans et neuf mois dans des prisons espagnoles. À la demande du Maroc, il a été arrêté à Melilla le 1ᵉʳ avril 2008, accusé de terrorisme, et mis à la disposition de l’Audience nationale espagnole (un tribunal avec une compétence nationale qui s’occupe des crimes les plus graves).

Devant l’ambassade espagnole à Bruxelles novembre 2010

 De sa prison, Ali doit se présenter plusieurs fois devant le juge antiterroriste Baltasar Garzón. Le 16 mars 2009, au terme de toutes ses enquêtes et d’un laborieux procès qui a duré trois ans, Baltasar Garzón juge qu’il n’y a pas d’affaire Ali Aarrass. Il n’y a pas lieu d’accuser Aarrass de quoique ce soit et il déclare un non-lieu. Un agent judiciaire passe en cellule chez Ali pour lui faire signer le document du jugement ainsi que son ordre de sortie. Ali va être libéré.

Baltasar Garzón : « Le lawfare est la dégénérescence du droit en tant  qu'outil de pacification »
Baltasar Garzón

Mais les intérêts politiques et les relations difficiles entre le Maroc et l’Espagne vont en décider autrement : l’Audience nationale, organe judiciaire spécialisé, décide qu’Ali Aarrass doit quand même être remis entre les mains de la justice marocaine. Le 19 novembre 2010, le Conseil des ministres espagnol approuve l’extradition d’Ali Aarrass au Maroc. Vont suivre quelques semaines de campagne intense pour bloquer cette décision qui n’est rien d’autre qu’un déni de justice.

L’ONU intervient

Ali s’est mis en grève de la faim à la prison de Botafuegos à Algésiras, sa troisième grève de la faim en un an pour s’opposer à son extradition. À Bruxelles, pendant toute une semaine, plusieurs centaines de personnes se donnent rendez-vous à l’heure du midi devant l’ambassade d’Espagne pour s’opposer à son extradition. Plusieurs ONG et associations des droits de l’homme demandent sa libération. Sept jours plus tard, saisi par les avocats de la défense, le Haut-Commissariat aux Droits de l’Homme de l’ONU à Genève prend une mesure provisoire ordonnant à l’Espagne de ne pas extrader Ali Aarrass. On est le 26 novembre 2010. Le Haut-commissariat donne deux mois à l’Espagne et aux avocats de la défense pour argumenter leur position sur l’extradition et sur le risque de torture au Maroc.

Trois jours plus tard, le lundi 29 novembre 2010, tout en faisant semblant de respecter la demande du Haut-commissariat, les autorités espagnoles transfèrent Ali Aarrass en secret de la prison de Botafuegos à Algésiras à la prison de Valdemoro à Madrid en vue de son extradition au Maroc. « À bord d’une voiture banalisée. Sans une seule halte. Sans un arrêt pour uriner : « Pisse-toi dessus. » À toute vitesse. Comme s’il y avait urgence », écrit Ali Aarrass dans le livre à paraître sur sa détention[1].

Le 14 décembre 2010, coup de tonnerre : l’Espagne décide de ne pas tenir compte de la demande du Haut-Commissariat de l’ONU et elle extrade Ali Aarrass au Maroc.

Ali est alors amené à Temara où il est violemment torturé pendant dix jours et dix nuits, avant d’être enfermé à la prison de Salé II.

Quatorze ans plus tard, une victoire sans précédent devant la Cour constitutionnelle

Juan Mendez: "I Was Tortured. I Know How Important It Is To Hold The CIA  Accountable"
Juan Mendez

 Le 4 décembre 2012, Juan Mendez, le rapporteur spécial de l’ONU sur la torture, publie son rapport de l’examen médical d’Ali Aarrass. Il s’agit de l’examen approfondi qu’il a réalisé avec son équipe, du 15 au 22 septembre 2012, à la prison de Salé. Ce rapport confirme qu’Ali Aarrass a été torturé. En septembre 2013, le Comité de l’ONU contre la détention arbitraire, le même Comité qui demande aujourd’hui la fin de la détention de Julian Assange, demande la libération immédiate de cinq détenus marocains, dont Ali Aarrass. En mai 2014, un autre Comité de l’ONU, le Comité contre la torture, condamne le Maroc pour avoir violé la règle absolue de l’interdiction de la torture, pour ne pas avoir mené une enquête sérieuse sur celle-ci et pour avoir condamné Ali Aarrass sur base de preuves tronquées. Le Comité exige une enquête impartiale et approfondie, incluant un examen médical conforme aux standards internationaux.

Aussi en mai 2014, Amnesty international choisit Ali Aarrass comme une des cinq personnes emblématiques de sa campagne mondiale contre la torture. Amnesty dépose auprès du  gouvernement marocain 216 450 signatures pour sa libération, provenant de 120 pays.

En août 2014, le Comité des droits de l’homme des Nations unies condamne l’Espagne pour avoir extradé Ali Aarrass au Maroc alors qu’il existait un risque sérieux de torture, comme le même comité l’avait signalé en extrême urgence quatre ans auparavant. Le Comité impose à l’Espagne d’offrir une compensation adéquate à Ali Aarrass pour les souffrances encourues et d’assurer un suivi efficace quant au traitement d’Ali Aarrass.

Pendant tout ce temps, ni le ministère de la Justice espagnol, ni le Tribunal National, ni la Cour Suprême espagnole n’ont jamais donné suite à la demande d’Ali Aarrass d’obtenir justice et réparation les traitements subis au Maroc. Pour l’ONU, l’Espagne devait fournir une réparation adéquate à Ali Aarrass pour la violation subie, compte tenu des actes de torture et des mauvais traitements auxquels il a été exposé. Ce qu’elle n’a pas fait. C’est en dernier recours qu’Ali et ses avocats se sont adressés à la Cour Constitutionnelle espagnole et celle-ci leur a donné raison. Par son jugement, le Tribunal constitutionnel ordonne à l’Audience nationale de refaire son travail et de rendre « une décision respectueuse du droit fondamental violé » et de décider de l’indemnisation pour les souffrances subies.

Ce jugement est aussi une gifle pour la Belgique. En particulier pour tous les ministres des Affaires étrangères de la Belgique de 2008 à 2020, dont l’actuel commissaire européen à la Justice, le libéral belge Didier Reynders. Tout comme l’Espagne, ils ont systématiquement mis de côté tous les rapports de l’ONU afin de justifier leur non-assistance à un citoyen belge torturé.

Luk Vervaet, 12 avril 2024

[1] Ali Aarrass en collaboration avec la journaliste Lucie Cauwe : « Le ciel est un carré bleu, douze ans dans les geôles espagnoles et marocaines ». À paraître chez Édition Antidote en 2024.

La torture d’Ali Aarrass au Maroc et la responsabilité de l’Espagne devant la Cour constitutionelle espagnole : deux articles de europapress.es et melilllahoy.es (en espagnol et en français)

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(I) El Constitucional estudia cómo dar efectividad a los dictámenes de la ONU en base a un caso de torturas

El Tribunal Constitucional (TC) ha decidido postergar su fallo sobre el caso de Alí Aarrass, un hombre de doble nacionalidad marroquí y belga que España extraditó a Marruecos, donde sufrió torturas que acabó denunciando ante la ONU. La organización internacional le dio la razón, por lo que acudió a la Justicia española para que le indemnizara pero sin éxito. Ahora, la corte de garantías estudia qué respuesta debe dar a este tipo de casos.

(fr)

La Cour constitutionnelle examine comment donner suite aux décisions des Nations unies sur un cas de torture.

Le Tribunal constitutionnel (TC) a décidé de surseoir à statuer sur le cas d’Alí Aarrass, un homme possédant la double nationalité marocaine et belge que l’Espagne a extradé vers le Maroc, où il a subi des tortures qu’il a fini par dénoncer devant l’ONU. L’organisation internationale lui a donné raison et il s’est tourné vers la justice espagnole pour obtenir réparation, mais sans succès. Aujourd’hui, le Tribunal des garanties étudie la réponse à donner à ce type d’affaires.

El Constitucional estudia cómo dar efectividad a los dictámenes de la ONU en base a un caso de torturas

Leer más: https://www.europapress.es/nacional/noticia-constitucional-estudia-dar-efectividad-dictamenes-onu-base-caso-torturas-20240201080051.html

 

(II) El Tribunal Constitucional analiza caso de extradición y tortura del melillense con nacionalidad belga y marroquí en Marruecos 

https://melillahoy.es/ali-aarrass-espera-indemnizacion-de-mas-de-3-millones-de-euros-por-mal-funcionamiento-de-la-justicia/ 

Alí Aarrass espera indemnización de más de 3 millones de euros por mal funcionamiento de la justicia
El Tribunal Constitucional analiza el caso de extradición y tortura de Alí Aarrass, un hombre nacido en Melilla con doble nacionalidad marroquí y belga. España lo extraditó a Marruecos donde denuncia que sufrió torturas y ahora se discute si debe recibir indemnización. El melillense pide 3 millones de euros por « mal funcionamiento » de la justicia española por entregarlo al vecino país.

Redacción
Febrero 2, 2024

El Tribunal Constitucional (TC) ha decidido postergar su fallo sobre el caso de Alí Aarrass, un hombre de doble nacionalidad marroquí y belga que España extraditó a Marruecos, donde sufrió torturas que acabó denunciando ante la ONU. La organización internacional le dio la razón, por lo que acudió a la Justicia española para que le indemnizara pero sin éxito. Ahora, la corte de garantías estudia qué respuesta debe dar a este tipo de casos.

El Constitucional ha debatido en su Pleno de esta semana el asunto de Aarrass en base a una ponencia redactada por el magistrado conservador César Tolosa, que proponía desestimar el recurso de amparo que presentó después de que España le denegara la indemnización de más de 3 millones de euros que reclamaba por mal funcionamiento de la administración de justicia.

Según el relato recogido en el dictamen del Comité de Derechos Humanos de la ONU, al que ha tenido acceso Europa Press, los hechos se remontan a 2006 cuando la Audiencia Nacional (AN) comenzó a investigar a Aarrass por su presunta implicación en los atentados perpetrados el 1 de mayo de 2003 en Casablanca, así como por su supuesta pertenencia al movimiento yihadista Harakat Al Moudjahidine Fi Al Maghrib.

La investigación finalmente fue archivada en 2009, pero de forma paralela los tribunales marroquíes emitieron una orden internacional de busca y captura en su contra por delitos de terrorismo al sospechar que mantenía contactos con células de Al Qaeda en el Magreb para crear campos de entrenamiento paramilitar en Argelia. En ejecución de dicha orden, el 1 de abril de 2008 fue detenido en Melilla y puesto a disposición de la AN.

Tras un largo recorrido judicial, que llegó hasta el Tribunal Europeo de Derechos Humanos (TEDH), finalmente Aarrass fue extraditado en 2010, después de que todas las instancias ignoraran su advertencia sobre el riesgo de ser torturado para obtener una confesión. La Audiencia Nacional entendió que no podían considerarse sistemáticas y generalizadas ni, por tanto, asumir que las sufriría.

Denuncia «maltrato severo»

Aarrass aseguró en su denuncia ante la ONU que durante su detención en Marruecos fue torturado para hacerle firmar testimonios escritos. Según detalló, fue violado, drogado y sometido a descargas eléctricas y privación de sueño, un «maltrato severo» que le provocó problemas de audición y pérdida de sensibilidad en las extremidades, así como estrés postraumático.

El hombre formuló denuncia en el Comité de Derechos Humanos de la ONU reprochando que, a pesar de que «era previsible que existía un riesgo personal y real de ser torturado», las autoridades judiciales españolas se «limitaron a examinar superficial y formalmente sus alegaciones».

En 2014, la ONU le dio la razón al considerar que España «no evaluó adecuadamente el riesgo de tortura y severos malos tratos» y, en consecuencia, violó el artículo 7 del Pacto Internacional de Derechos Civiles y Políticos, el cual establece que «nadie será sometido a torturas ni a penas o tratos crueles, inhumanos o degradantes».

El Comité determinó, además, que España tenía la obligación, entre otras cosas, de proporcionar a Aarrass «un recurso efectivo, que incluya proporcionar una compensación adecuada por la violación sufrida, teniendo en cuenta los actos de tortura y malos tratos a que fue expuesto como consecuencia de su extradición a Marruecos».

Con este dictamen, Aarrass reclamó a España una indemnización de más de 3 millones de euros por mal funcionamiento de la administración de justicia, pero le fue denegada, lo que le ha llevado de vuelta al Tribunal Constitucional.

Las fuentes jurídicas consultadas por Europa Press indican que la ponencia elaborada por Tolosa proponía desestimar el recurso de amparo al coincidir con las autoridades españolas en que la vía elegida por Aarrass para pedir indemnización no era la adecuada, de ahí que fuera imposible concedérsela.

Sin embargo, este planteamiento ha suscitado debate entre los once magistrados del TC, hasta el punto de que los tradicionales bloques progresista y conservador se han disuelto, ya que otros magistrados creen que la sentencia propuesta se queda corta porque no da respuesta a lo que entienden que es la cuestión de fondo, esto es, cómo dar efectividad a los dictámenes de la ONU. El asunto necesita «más reflexión», explican las citadas fuentes.

Así las cosas, Tolosa ha accedido a retirar su ponencia para estudiar el asunto en base a las aportaciones realizadas por los magistrados en Pleno y redactar otra. Las fuentes indican que el debate se centra en cuál debe ser el «recurso efectivo» –como dice la ONU– que el Estado español debe proporcionar a quienes han obtenido un dictamen favorable de la organización internacional. Con todo, el asunto ha quedado postergado a próximos plenos.

(fr)

La Cour constitutionnelle analyse l’affaire de l’extradition et de la torture du natif de Melilla de nationalité belge et marocaine au Maroc.

Ali Aarrass attend une indemnisation de plus de 3 millions d’euros pour dysfonctionnement de la justice
La Cour constitutionnelle analyse l’affaire de l’extradition et de la torture d’Ali Aarrass, un homme né à Melilla et possédant la double nationalité marocaine et belge. L’Espagne l’a extradé vers le Maroc, où il affirme avoir été torturé, et la question de savoir s’il doit être indemnisé est actuellement à l’étude. L’homme de Melilla demande 3 millions d’euros pour « dysfonctionnement » de la justice espagnole qui l’a livré au pays voisin.

La rédaction
2 février 2024

Le Tribunal constitutionnel (TC) a décidé de reporter son jugement sur le cas d’Alí Aarrass, un homme à la double nationalité marocaine et belge que l’Espagne a extradé vers le Maroc, où il a subi des tortures qu’il a fini par dénoncer devant l’ONU. L’organisation internationale lui a donné raison et il s’est tourné vers la justice espagnole pour obtenir réparation, mais sans succès. Aujourd’hui, le Tribunal des garanties étudie la réponse à donner à ce type d’affaires.

Le Tribunal constitutionnel a débattu de l’affaire Aarrass en séance plénière cette semaine sur la base d’un rapport rédigé par le magistrat conservateur César Tolosa, qui proposait de rejeter le recours en amparo qu’il avait présenté après que l’Espagne lui eut refusé l’indemnisation de plus de 3 millions d’euros qu’il réclamait pour dysfonctionnement de l’administration de la justice.

Selon le récit contenu dans l’avis du Comité des droits de l’homme de l’ONU, auquel Europa Press a eu accès, les faits remontent à 2006, lorsque l’Audiencia Nacional (AN) a commencé à enquêter sur Aarrass pour son implication présumée dans les attentats perpétrés le 1er mai 2003 à Casablanca, ainsi que pour son appartenance présumée au mouvement djihadiste Harakat Al Moudjahidine Fi Al Maghrib.

L’enquête a finalement été clôturée en 2009, mais dans le même temps, la justice marocaine a émis un mandat d’arrêt international contre lui pour terrorisme, le soupçonnant d’avoir des contacts avec des cellules d’Al-Qaïda au Maghreb pour mettre en place des camps d’entraînement paramilitaires en Algérie. En exécution de ce mandat, il a été arrêté le 1er avril 2008 à Melilla et mis à la disposition de l’AN.

Après une longue procédure judiciaire, qui est allée jusqu’à la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), Aarrass a finalement été extradé en 2010, alors que toutes les instances avaient ignoré son avertissement concernant le risque d’être torturé pour obtenir des aveux. L’Audiencia Nacional a estimé que l’on ne pouvait pas considérer qu’il s’agissait d’une pratique systématique et généralisée, et que l’on ne pouvait donc pas supposer qu’il subirait de tels actes de torture.

Plainte pour « mauvais traitements graves

Dans la plainte qu’il a déposée auprès des Nations unies, Aarrass a déclaré que, pendant sa détention au Maroc, il avait été torturé pour l’obliger à signer des témoignages écrits. Il a déclaré avoir été violé, drogué et soumis à des chocs électriques et à la privation de sommeil, des « mauvais traitements graves » qui ont entraîné des problèmes d’audition et une perte de sensibilité dans ses membres, ainsi qu’un syndrome de stress post-traumatique.

Il s’est plaint auprès du Comité des droits de l’homme des Nations unies que, malgré un « risque personnel prévisible et réel de torture », les autorités judiciaires espagnoles « se sont limitées à un examen superficiel et formel de ses allégations ».

En 2014, l’ONU lui a donné raison, estimant que l’Espagne « n’avait pas évalué de manière adéquate le risque de torture et de mauvais traitements graves » et avait donc violé l’article 7 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, qui dispose que « nul ne sera soumis à la torture ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ».

Le Comité a également estimé que l’Espagne avait l’obligation, entre autres, d’offrir à M. Aarrass « un recours utile, y compris une indemnisation adéquate pour la violation subie, compte tenu des actes de torture et des mauvais traitements auxquels il a été exposé du fait de son extradition vers le Maroc ».

Avec cette décision, Aarrass a réclamé plus de 3 millions d’euros de compensation à l’Espagne pour dysfonctionnement de l’administration de la justice, mais a été débouté, ce qui l’a conduit à retourner devant la Cour constitutionnelle.

Selon des sources juridiques consultées par Europa Press, le rapport rédigé par M. Tolosa proposait de rejeter le recours en amparo, estimant, comme les autorités espagnoles, que la voie choisie par M. Aarrass pour demander une indemnisation n’était pas la bonne et qu’il était donc impossible de l’accorder.

Cependant, cette approche a suscité un débat parmi les onze magistrats du TC, au point que les blocs traditionnels progressistes et conservateurs se sont dissous, car d’autres magistrats estiment que la proposition d’arrêt est insuffisante parce qu’elle n’apporte pas de réponse à ce qu’ils considèrent comme la question fondamentale, à savoir comment donner effet aux arrêts de l’ONU. La question nécessite « plus de réflexion », expliquent les sources susmentionnées.

Tolosa a accepté de retirer son rapport afin d’étudier la question sur la base des contributions des juges en séance plénière et d’en rédiger un autre. Les sources indiquent que le débat porte sur ce que devrait être le « recours effectif » – comme le dit l’ONU – que l’État espagnol devrait fournir à ceux qui ont obtenu un avis favorable de l’organisation internationale. Cependant, la question a été reportée à de futures sessions plénières.

(I) El Constitucional estudia cómo dar efectividad a los dictámenes de la ONU en base a un caso de torturas

El Tribunal Constitucional (TC) ha decidido postergar su fallo sobre el caso de Alí Aarrass, un hombre de doble nacionalidad marroquí y belga que España extraditó a Marruecos, donde sufrió torturas que acabó denunciando ante la ONU. La organización internacional le dio la razón, por lo que acudió a la Justicia española para que le indemnizara pero sin éxito. Ahora, la corte de garantías estudia qué respuesta debe dar a este tipo de casos.

(fr)

La Cour constitutionnelle examine comment donner suite aux décisions des Nations unies sur un cas de torture.

Le Tribunal constitutionnel (TC) a décidé de surseoir à statuer sur le cas d’Alí Aarrass, un homme possédant la double nationalité marocaine et belge que l’Espagne a extradé vers le Maroc, où il a subi des tortures qu’il a fini par dénoncer devant l’ONU. L’organisation internationale lui a donné raison et il s’est tourné vers la justice espagnole pour obtenir réparation, mais sans succès. Aujourd’hui, le Tribunal des garanties étudie la réponse à donner à ce type d’affaires.

El Constitucional estudia cómo dar efectividad a los dictámenes de la ONU en base a un caso de torturas

Leer más: https://www.europapress.es/nacional/noticia-constitucional-estudia-dar-efectividad-dictamenes-onu-base-caso-torturas-20240201080051.html

 

(II) El Tribunal Constitucional analiza caso de extradición y tortura del melillense con nacionalidad belga y marroquí en Marruecos 

https://melillahoy.es/ali-aarrass-espera-indemnizacion-de-mas-de-3-millones-de-euros-por-mal-funcionamiento-de-la-justicia/ 

Alí Aarrass espera indemnización de más de 3 millones de euros por mal funcionamiento de la justicia
El Tribunal Constitucional analiza el caso de extradición y tortura de Alí Aarrass, un hombre nacido en Melilla con doble nacionalidad marroquí y belga. España lo extraditó a Marruecos donde denuncia que sufrió torturas y ahora se discute si debe recibir indemnización. El melillense pide 3 millones de euros por « mal funcionamiento » de la justicia española por entregarlo al vecino país.

Redacción
Febrero 2, 2024

El Tribunal Constitucional (TC) ha decidido postergar su fallo sobre el caso de Alí Aarrass, un hombre de doble nacionalidad marroquí y belga que España extraditó a Marruecos, donde sufrió torturas que acabó denunciando ante la ONU. La organización internacional le dio la razón, por lo que acudió a la Justicia española para que le indemnizara pero sin éxito. Ahora, la corte de garantías estudia qué respuesta debe dar a este tipo de casos.

El Constitucional ha debatido en su Pleno de esta semana el asunto de Aarrass en base a una ponencia redactada por el magistrado conservador César Tolosa, que proponía desestimar el recurso de amparo que presentó después de que España le denegara la indemnización de más de 3 millones de euros que reclamaba por mal funcionamiento de la administración de justicia.

Según el relato recogido en el dictamen del Comité de Derechos Humanos de la ONU, al que ha tenido acceso Europa Press, los hechos se remontan a 2006 cuando la Audiencia Nacional (AN) comenzó a investigar a Aarrass por su presunta implicación en los atentados perpetrados el 1 de mayo de 2003 en Casablanca, así como por su supuesta pertenencia al movimiento yihadista Harakat Al Moudjahidine Fi Al Maghrib.

La investigación finalmente fue archivada en 2009, pero de forma paralela los tribunales marroquíes emitieron una orden internacional de busca y captura en su contra por delitos de terrorismo al sospechar que mantenía contactos con células de Al Qaeda en el Magreb para crear campos de entrenamiento paramilitar en Argelia. En ejecución de dicha orden, el 1 de abril de 2008 fue detenido en Melilla y puesto a disposición de la AN.

Tras un largo recorrido judicial, que llegó hasta el Tribunal Europeo de Derechos Humanos (TEDH), finalmente Aarrass fue extraditado en 2010, después de que todas las instancias ignoraran su advertencia sobre el riesgo de ser torturado para obtener una confesión. La Audiencia Nacional entendió que no podían considerarse sistemáticas y generalizadas ni, por tanto, asumir que las sufriría.

Denuncia «maltrato severo»

Aarrass aseguró en su denuncia ante la ONU que durante su detención en Marruecos fue torturado para hacerle firmar testimonios escritos. Según detalló, fue violado, drogado y sometido a descargas eléctricas y privación de sueño, un «maltrato severo» que le provocó problemas de audición y pérdida de sensibilidad en las extremidades, así como estrés postraumático.

El hombre formuló denuncia en el Comité de Derechos Humanos de la ONU reprochando que, a pesar de que «era previsible que existía un riesgo personal y real de ser torturado», las autoridades judiciales españolas se «limitaron a examinar superficial y formalmente sus alegaciones».

En 2014, la ONU le dio la razón al considerar que España «no evaluó adecuadamente el riesgo de tortura y severos malos tratos» y, en consecuencia, violó el artículo 7 del Pacto Internacional de Derechos Civiles y Políticos, el cual establece que «nadie será sometido a torturas ni a penas o tratos crueles, inhumanos o degradantes».

El Comité determinó, además, que España tenía la obligación, entre otras cosas, de proporcionar a Aarrass «un recurso efectivo, que incluya proporcionar una compensación adecuada por la violación sufrida, teniendo en cuenta los actos de tortura y malos tratos a que fue expuesto como consecuencia de su extradición a Marruecos».

Con este dictamen, Aarrass reclamó a España una indemnización de más de 3 millones de euros por mal funcionamiento de la administración de justicia, pero le fue denegada, lo que le ha llevado de vuelta al Tribunal Constitucional.

Las fuentes jurídicas consultadas por Europa Press indican que la ponencia elaborada por Tolosa proponía desestimar el recurso de amparo al coincidir con las autoridades españolas en que la vía elegida por Aarrass para pedir indemnización no era la adecuada, de ahí que fuera imposible concedérsela.

Sin embargo, este planteamiento ha suscitado debate entre los once magistrados del TC, hasta el punto de que los tradicionales bloques progresista y conservador se han disuelto, ya que otros magistrados creen que la sentencia propuesta se queda corta porque no da respuesta a lo que entienden que es la cuestión de fondo, esto es, cómo dar efectividad a los dictámenes de la ONU. El asunto necesita «más reflexión», explican las citadas fuentes.

Así las cosas, Tolosa ha accedido a retirar su ponencia para estudiar el asunto en base a las aportaciones realizadas por los magistrados en Pleno y redactar otra. Las fuentes indican que el debate se centra en cuál debe ser el «recurso efectivo» –como dice la ONU– que el Estado español debe proporcionar a quienes han obtenido un dictamen favorable de la organización internacional. Con todo, el asunto ha quedado postergado a próximos plenos.

(fr)

La Cour constitutionnelle analyse l’affaire de l’extradition et de la torture du natif de Melilla de nationalité belge et marocaine au Maroc.

Ali Aarrass attend une indemnisation de plus de 3 millions d’euros pour dysfonctionnement de la justice
La Cour constitutionnelle analyse l’affaire de l’extradition et de la torture d’Ali Aarrass, un homme né à Melilla et possédant la double nationalité marocaine et belge. L’Espagne l’a extradé vers le Maroc, où il affirme avoir été torturé, et la question de savoir s’il doit être indemnisé est actuellement à l’étude. L’homme de Melilla demande 3 millions d’euros pour « dysfonctionnement » de la justice espagnole qui l’a livré au pays voisin.

La rédaction
2 février 2024

Le Tribunal constitutionnel (TC) a décidé de reporter son jugement sur le cas d’Alí Aarrass, un homme à la double nationalité marocaine et belge que l’Espagne a extradé vers le Maroc, où il a subi des tortures qu’il a fini par dénoncer devant l’ONU. L’organisation internationale lui a donné raison et il s’est tourné vers la justice espagnole pour obtenir réparation, mais sans succès. Aujourd’hui, le Tribunal des garanties étudie la réponse à donner à ce type d’affaires.

Le Tribunal constitutionnel a débattu de l’affaire Aarrass en séance plénière cette semaine sur la base d’un rapport rédigé par le magistrat conservateur César Tolosa, qui proposait de rejeter le recours en amparo qu’il avait présenté après que l’Espagne lui eut refusé l’indemnisation de plus de 3 millions d’euros qu’il réclamait pour dysfonctionnement de l’administration de la justice.

Selon le récit contenu dans l’avis du Comité des droits de l’homme de l’ONU, auquel Europa Press a eu accès, les faits remontent à 2006, lorsque l’Audiencia Nacional (AN) a commencé à enquêter sur Aarrass pour son implication présumée dans les attentats perpétrés le 1er mai 2003 à Casablanca, ainsi que pour son appartenance présumée au mouvement djihadiste Harakat Al Moudjahidine Fi Al Maghrib.

L’enquête a finalement été clôturée en 2009, mais dans le même temps, la justice marocaine a émis un mandat d’arrêt international contre lui pour terrorisme, le soupçonnant d’avoir des contacts avec des cellules d’Al-Qaïda au Maghreb pour mettre en place des camps d’entraînement paramilitaires en Algérie. En exécution de ce mandat, il a été arrêté le 1er avril 2008 à Melilla et mis à la disposition de l’AN.

Après une longue procédure judiciaire, qui est allée jusqu’à la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), Aarrass a finalement été extradé en 2010, alors que toutes les instances avaient ignoré son avertissement concernant le risque d’être torturé pour obtenir des aveux. L’Audiencia Nacional a estimé que l’on ne pouvait pas considérer qu’il s’agissait d’une pratique systématique et généralisée, et que l’on ne pouvait donc pas supposer qu’il subirait de tels actes de torture.

Plainte pour « mauvais traitements graves

Dans la plainte qu’il a déposée auprès des Nations unies, Aarrass a déclaré que, pendant sa détention au Maroc, il avait été torturé pour l’obliger à signer des témoignages écrits. Il a déclaré avoir été violé, drogué et soumis à des chocs électriques et à la privation de sommeil, des « mauvais traitements graves » qui ont entraîné des problèmes d’audition et une perte de sensibilité dans ses membres, ainsi qu’un syndrome de stress post-traumatique.

Il s’est plaint auprès du Comité des droits de l’homme des Nations unies que, malgré un « risque personnel prévisible et réel de torture », les autorités judiciaires espagnoles « se sont limitées à un examen superficiel et formel de ses allégations ».

En 2014, l’ONU lui a donné raison, estimant que l’Espagne « n’avait pas évalué de manière adéquate le risque de torture et de mauvais traitements graves » et avait donc violé l’article 7 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, qui dispose que « nul ne sera soumis à la torture ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ».

Le Comité a également estimé que l’Espagne avait l’obligation, entre autres, d’offrir à M. Aarrass « un recours utile, y compris une indemnisation adéquate pour la violation subie, compte tenu des actes de torture et des mauvais traitements auxquels il a été exposé du fait de son extradition vers le Maroc ».

Avec cette décision, Aarrass a réclamé plus de 3 millions d’euros de compensation à l’Espagne pour dysfonctionnement de l’administration de la justice, mais a été débouté, ce qui l’a conduit à retourner devant la Cour constitutionnelle.

Selon des sources juridiques consultées par Europa Press, le rapport rédigé par M. Tolosa proposait de rejeter le recours en amparo, estimant, comme les autorités espagnoles, que la voie choisie par M. Aarrass pour demander une indemnisation n’était pas la bonne et qu’il était donc impossible de l’accorder.

Cependant, cette approche a suscité un débat parmi les onze magistrats du TC, au point que les blocs traditionnels progressistes et conservateurs se sont dissous, car d’autres magistrats estiment que la proposition d’arrêt est insuffisante parce qu’elle n’apporte pas de réponse à ce qu’ils considèrent comme la question fondamentale, à savoir comment donner effet aux arrêts de l’ONU. La question nécessite « plus de réflexion », expliquent les sources susmentionnées.

Tolosa a accepté de retirer son rapport afin d’étudier la question sur la base des contributions des juges en séance plénière et d’en rédiger un autre. Les sources indiquent que le débat porte sur ce que devrait être le « recours effectif » – comme le dit l’ONU – que l’État espagnol devrait fournir à ceux qui ont obtenu un avis favorable de l’organisation internationale. Cependant, la question a été reportée à de futures sessions plénières.

(FR/Engl) Il n’est pas facile de remonter la pente tout seul ! It’s not at all easy to climb back up alone !

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Intervention d’Ali Aarrass à la Conférence nationale d’Amnesty international UK (Londres nov. 2023)

(English below)

Chères amies, Chers amis,

J’ai été arrêté le 1 avril 2008 et j’ai été libéré le 1 avril 2020. J’ai été dans huit prisons espagnoles et dans trois prisons marocaines, dont le fameux centre de Temara, où j’ai été torturé. Ces tortures, je les ai tout de suite dessinées à la prison de Salé ll où j’ai été amené après mes douze jours à Témara et Amnesty les a publiées. La plupart du temps de mon incarcération j’ai été maltraité et en isolement total. Aujourd’hui j’en porte toujours les séquelles.

Si je suis ici aujourd’hui parmi vous, c’est grâce à vous, grâce à Amnesty, grâce aux nombreux soutiens et comités en Belgique, en Grande-Bretagne, au Maroc et en Epagne.

Je tiens à vous remercier de tout mon cœur pour tout ce que vous avez fait.

À partir de 2009, vous avez créé une protection autour de moi. Amnesty international Espagne s’est mobilisé contre le risque de mon extradition au Maroc. En 2014, je suis devenu une des visages de la campagne internationale d’Amnesty contre la torture et pas moins de 216.500 personnes ont signé la pétition pour ma libération. Ces signatures ont été remises officiellement au ministre marocain de la Justice et des Libertés.

Pourquoi la campagne Write for Rights, Écrire pour les droits est importante ?

Ecrire à un prisonnier crée une véritable protection autour du prisonnier. Il se réalise qu’il n’est pas seul, il se réalise qu’il existe, qu’il fait partie du monde, de la société humaine dont il est exclu. Pour les autorités, c’est un signe qu’ils ne peuvent pas se permettre de faire n’importe quoi, les lettres sont une barrière contre la maltraitance et l’arbitraire.

Une campagne Write for Rights fait partie de la lutte pour les droits au sein des prisons. Officiellement nous avons droit à recevoir du courrier, à écrire des lettres. Dans la pratique ils vous privent de votre courrier, ils le censurent, ils le confisquent une fois qu’ils vous l’ont donné.

Pendant mon incarcération à la prison de Salée 2, j’ai reçu la visite de Juan Mendez et des travailleurs des Nations Unies. J’ai demandé par écrit au nouveau directeur de la prison de me recevoir. J’ai rapidement été reçu dans son bureau. Il m’a désigné de la main les dizaines de courriers en pile sur son bureau, tous ceux qui m’avaient été envoyés par des soutiens extérieurs et qui avaient été confisqués et censurés par l’ancien directeur Abdellah Darif et son complice Bouazza Onki. Il m’a dit : « Ali, c’est bien à toi que sont adressées toutes ces lettres ? »

« Oui », lui ai-je immédiatement répondu. « Recevoir ces courriers fait partie de mes droits. Je vous demande  le respect de nos droits fondamentaux et de notre dignité humaine. »

Deux jours plus tard, je recevais mon courrier une fois par semaine et le directeur est ensuite venu régulièrement me voir.

À la prison de Tiflet, c’était la même chose. J’ai demandé au directeur pourquoi il avait censuré le courrier qui m’était envoyé. Il m’a répondu que ce n’était pas lui mais la Délégation générale pénitentiaire qui était chargée de le lire et qui bloquait les lettres qui m’arrivaient de partout dans le monde. Ils ne voulaient pas que je sois soutenu et encouragé par tous ceux qui, à l’extérieur, étaient solidaires de mon combat. Me priver de ces lettres était une façon de me torturer psychologiquement. Le directeur m’a dit qu’il ferait une nouvelle demande pour que je puisse recevoir mes courriers.

Je vous demande de continuer à écrire aux prisonniers. Soyez certain que pour eux et pour elles vous faites la différence entre la vie et la mort. 

Tout le monde connaît mon vécu. Il est vrai que j’ai survécu aux pires atrocités qu’on puisse imaginer durant toutes ces années.

Je vous rappelle qu’à travers ces épreuves qu’ils m’ont infligées, durant tout ce temps, mes convictions et mon opinion ont été renforcées…

Il est vrai que mon cas a servi d’exemple pour d’autres.

Oui , je suis un survivant… Un homme qui depuis le premier jour de ma libération a dit comme première phrase : mon combat continue !!!

Presque trois années se sont écoulées depuis mon retour, j’ai dû survivre à nouveau en bénéficiant du CPAS durant une année (J’ai ajouté que c’était une allocation sociale).Aujourd’hui, je travaille mais, je n’arrive pas à surmonter les difficultés seul.

En parallèle, j’ai mené mon combat par des témoignages : TV , Radio , audio , presse écrite , You Tube . Tout ceci en plusieurs langues que je maîtrise … le tout m’a pris beaucoup de temps et d’efforts physiques et psychologiques.

Il n’est pas facile du tout pour quelqu’un comme moi de remonter la pente seul !!! Il y a une chose que j’ai sous-estimée depuis ma libération, celle de me soigner, car j’ai promis de continuer mon combat !

Depuis mon retour sur le territoire belge aucune personnalité politique ni diplomatique n’a demandé qu’est devenu Aarrass Ali ???

Sauf vous ! Des hommes et des femmes solidaires qui m’ont toujours soutenu durant toutes ces années !

A cette occasion, j’aimerais vous remercier à nouveau d’être toujours là.

C’est pour cela que je m’adresse à vous aujourd’hui personnellement pour la première fois pour vous demander de l’aide pour des projets  que j’aimerais partager  avec vous car ceci est notre lutte et notre combat à tous !

Je vous aime très fort.

Ali Aarrass.

 

(Photos https://marieanne.smugmug.com/)

 

 

 

 

English (Traduction vers l’Anglais par Marie-France Deprez)

Dear friends,

I was arrested on April 1st 2008 and released on April 1st 2020. I was held in eight Spanish prisons and three Moroccan prisons, including the notorious Temara centre, where I was tortured.

In Salé 2 prison, where I was taken after my twelve days in Temara, I immediately illustrated my torture and Amnesty published my drawings.

Most of the time during my imprisonment I was ill-treated and kept in total isolation.

Today I still bear the after-effects. If I am here with you today, it is thanks to you, thanks to Amnesty, thanks to the many supporters and committees in Belgium, Great Britain,

Morocco and Spain. I would like to thank you from the bottom of my heart for everything you have done.

Since 2009, you have created a protective environment around me. Amnesty International Spain took action against the risk of my extradition to Morocco.

In 2014, I became one of the faces of Amnesty’s international campaign against torture, and no fewer than 216,500 people signed the petition for my release. These signatures were officially handed over to the Moroccan Minister of Justice and Freedoms.

Why is the Write for Rights campaign important?

Writing to a prisoner creates real protection around the prisoner. They realize that they are not alone, that they exist, that they are part of the world, part of the human society from which they have been excluded. For the authorities, it’s a sign that they can’t afford to do just anything. The letters are a barrier against ill-treatment and arbitrary processes.

A Write for Rights campaign is part of the fight for rights within prisons. Officially, we have the right to receive mail and write letters. In practice, they deprive you of your mail, they censor it, and they confiscate it once they’ve given it to you.

While I was in Salé 2 prison, Juan Mendez and United Nations workers visited me. I wrote to the new director of the prison asking him to see me. I was quickly received in his office.

He pointed to the dozens of letters piled up on his desk, all those sent to me by outside supporters, and which had been confiscated and censored by the former director Abdellah Darif and his accomplice Bouazza Onki. He said to me: « Ali, are all these letters addressed to you? « Yes », I replied immediately. « Receiving these letters is one of my rights. I ask you to respect our fundamental rights and human dignity. » Two days later, I was receiving my mail once a week, and the director then came to see me regularly.

At Tiflet prison, it was the same thing. I asked the director why he had censored the mail sent to me. He told me that it wasn’t him, but the Délégation générale pénitentiaire who oversaw reading it and who blocked the letters that arrived from all over the world. They didn’t want me to be supported and encouraged by all those on the outside who were in solidarity with my struggle. Depriving me of these letters was a way of torturing me psychologically. The director told me that he would make a new request so that I could receive my mail.

I ask you to continue to write to the prisoners. Rest assured that for them you make the difference between life and death.

Everyone knows what I’ve been through. It’s true that I’ve survived the worst atrocities you can imagine, all these years, by gritting my teeth.

I would remind you that the hardships they have inflicted on me, over all this time, have strengthened my convictions and my opinion…

It’s true that my case has served as an example for others.

Yes, I am a survivor…

From the first day of my release, my first sentence was that my fight goes on!

Nearly 3 years have gone by since my return to Belgium, and I’ve had to survive again by receiving CPAS (social allocation) benefits for a year.

Today, I’m working, but I can’t overcome the difficulties alone.

At the same time, I have led my fight through testimonials: TV, radio, audio, written press, YouTube. All of this in several languages that I master… All of which has taken a lot of time and physical and psychological effort.

It’s not at all easy for someone like me to climb back up alone!

Something I’ve underestimated since my release, that of looking after myself, because I’ve promised to continue my fight!

I should point out that since my arrival back in Belgium, not a single member among the political or diplomatic figures has asked what has become of Aarrass Ali.

Except you! Men and women who stand in solidarity and who have always supported me throughout these years!

I’d like to take this opportunity to thank you once again for always being there for me.

That’s why I’m speaking to you personally today for the first time to ask for your help with some projects that I’d like to share with you, because this is our struggle and our fight together!

I love you all very much.

 

En cette Fête nationale de Belgique 2023…

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Si j’étais Alexander De Croo, je capitaliserais sur la libération espérée et réussie le 26 mai dernier, d’Olivier Vandecasteele, travailleur social enlevé comme rançon par l’Iran et injustement incarcéré 455 jours. « Nous n’abandonnons, en Belgique, personne. Encore moins un innocent. »


Si j’étais Olivier Vandecasteele et que j’étais invité aux tribunes du défilé, je convierais à mes côtés Ali Aarrass, autre Belge innocent qui a, lui, passé douze ans de détention et de tortures dans les prisons espagnoles et marocaines (4.400 jours, 2008-2020). Dans l’indifférence totale des autorités belges, qui arguaient d’une double nationalité belgo-marocaine dont tout le monde savait qu’elle était le résultat d’un imbroglio administratif. Malgré les alertes et les appels des plus hautes instances des Nations Unies et de nombreuses ONG belges et internationales. Dans le silence total depuis son retour en Belgique, il y a trois ans.


Si j’étais le roi Philippe de Belgique, je regretterais publiquement de ne pas avoir activé mes contacts avec le roi du Maroc Mohammed VI pour Ali Aarrass, comme je l’ai fait avec le sultan d’Oman pour Olivier Vandecasteele.


Si j’étais la ministre des Affaires étrangères Hadja Lahbib, je regretterais publiquement l’abandon de ses prédécesseurs d’@Ali Aarrass au Maroc en 2010, alors qu’il avait été innocenté par le juge espagnol Baltasar Garzon. « Nous n’abandonnons, en Belgique, personne. Encore moins un innocent. »


Si j’étais une des personnes qui ont pris publiquement position pour Ali Aarrass durant ces années noires, je ferais tout pour rendre officiellement à cet homme pris dans une tourmente non encore éclaircie l’honneur qu’il n’a jamais perdu. Pour l’apaiser un peu. Parce c’est ce qu’il attend et ce à quoi il a droit.


Mais je ne suis qu’une citoyenne belge, obligée de constater les différences de traitement selon qu’on s’appelle Olivier ou Ali.

Lucie Cauwe, 19 juillet 2023

Ali Aarrass au parlement européen : quand les luttes du passé rencontrent celles d’aujourd’hui

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« J’étais invité au parlement européen pour exiger la liberté des prisonniers politiques et d’opinion, emprisonnés au Maroc.
Un immense plaisir et un honneur d’avoir rencontré les hommes et les femmes qui aujourd’hui sont en train de marquer l’histoire ». Ali Aarrass, 23 mars 2023 

Avec Ignacio Cembrero, Kholoud Mokhtari, Fatiha Cheriffi, Radouan Baroudi….

« L’isolement carcéral = torture », soirée avec Luk Vervaet, Ali Aarrass, Marie-France Deprez, Jean-Marc Mahy 18 novembre 19 h BXL laïque

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Rencontre autour du livre de Luk Vervaet « Ni parmi les Vivants, Ni parmi les Morts, Ce qui attend Julian Assange » organisée dans le cadre des Journées Nationales de la Prison


🆓 Entrée gratuite mais inscription souhaitée : https://tinyurl.com/isolement-carceral
Avec :
👉 Marie-France Deprez, Comité Free Assange Belgium
👉 Jean-Marc Mahy et Ali Aarrass qui ont vécu l’isolement carcéral
👉 Luk Vervaet, l’auteur (également de Guantanamo chez nous ; Le making of d’Anders B. Breivik ; le meurtre de Georges Floyd)

La menace d’extradition vers les États-Unis plane plus que jamais sur la tête de Julian Assange. S’il est extradé et condamné, il risque 175 ans de prison dans des conditions carcérales inhumaines dont l’isolement extrême, ce qui équivaut à de la torture. Cette rencontre dans le cadre des Journées Nationales de la Prison veut contribuer au mouvement pour l’interdiction de l’isolement prolongé dans les prisons.

⛓ La soirée sera également l’occasion de dresser un bilan de la Ligne Info’Prison et de la création de l’association « 9m² », visant à transformer la prison de Forest en musée pédagogique.

📸 Exposition « Détention et santé au prisme du genre » de Anaïs Carton et Pauline Fonsny sur les conditions d’enfermement des femmes migrantes en Belgique.
📖 Le livre sera en vente, sur place, au prix de 10 euros.

Évènement de Journées nationales de la prison – Nationale dagen van de gevangenis et Bruxelles Laïque

Avec le soutien de la Fédération Wallonie-Bruxelles

Où et quand : 
Vendredi 18 novembre à 19 heures, Bruxelles Laïque, Avenue de Stalingrad 8, 1000 Bruxelles

Événement Facebook : cliquez ICI 

Ali Aarrass invité chez Dounia Filali (vidéo) et les Jeunes d’Amnesty international (article)

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Amnesty international Jeunes : Rencontre avec Ali Aarrass

Le 19 octobre 2021, Amnesty International Belgique a organisé une rencontre entre Ali Aarrass et des membres de groupes-écoles et de groupes-étudiants d’Amnesty.

Ali Aarrass est Belgo-marocain. Il a été arrêté en Espagne en 2008, suspecté de trafic d’armes pour un réseau terroriste. L’éminent juge espagnol Baltasar Garzón l’avait déclaré innocent, faute de la moindre preuve, après une enquête de deux ans. Malgré cela, et contre l’avis de l’Organisation des Nations unies (ONU), l’Espagne a accepté en 2010 la demande d’extradition d’Ali Aarrass vers le Maroc. Cela a marqué le début de dix ans d’un véritable enfer. À son arrivée, Ali a été torturé sans relâche pendant douze jours. Il a ensuite vécu l’isolement parfois total, les mauvais traitements et les humiliations. Il a finalement été libéré en avril 2020. Il vit aujourd’hui en Belgique.

À lire ICI

Chez Dounia Filali

https://www.youtube.com/watch?v=H3HVPV4Yr7Y

 

Communiqué de presse des avocats d’Ali Aarrass : La décision contrastée de la Cour européenne des droits de l’homme (2 octobre 2021)

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Ali AARRASS est un ressortissant belge qui s’est fait sauvagement torturer au Maroc, lors de son arrestation, et qui a continué à subir des traitements inhumains et dégradants durant toute sa détention, ce qui est établi par deux décisions du Comité contre la Torture des Nations Unies (affaires 477/2011 et 877/2017).

Fin 2013, quand Ali AARRASS a obtenu la preuve des tortures subies, il a sollicité l’aide de son pays, la Belgique. Celle-ci lui étant refusée, il a saisi les Cours et Tribunaux de l’ordre judiciaire, en référé (urgence), pour obtenir la protection de son droit au respect de son intégrité physique et psychologique, consacré de manière absolue par l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme.

Le Tribunal de première instance, puis la Cour d’appel de Bruxelles, lui ont donné raison, en estimant que la marge d’appréciation des Etats, soit le pouvoir d’appréciation quant à l’intervention ou non des services consulaires, était réduite dans l’hypothèse où un individu subissait des maltraitances graves à l’étranger. Juridiquement, il s’agissait de donner un effet concret à l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme, en reconnaissant l’existence d’obligation positive pour les Etats. Pas une obligation de résultat, bien sûr, mais une obligation d’essayer, au moins, d’assister son ressortissant à l’aide des outils que lui procure le droit international.

Les décisions rendues en référé sont exécutoires par provision. Cela signifie qu’elles sont immédiatement obligatoires, ce qui a contraint l’Etat belge à « faire quelque chose ».

Mais, l’exécutif s’est pourvu en cassation et a obtenu gain de cause. En 2017, la Cour de cassation a jugé que l’Etat belge n’avait aucune obligation vis-à-vis d’Ali AARRASS.

Ali AARRASS a alors introduit un recours auprès de la Cour européenne des droits de l’homme.

Après quatre ans de procédure, la Cour européenne des droits de l’homme a rendu sa décision, le 30 septembre 2021 (affaire 16371/18). Cette décision est extrêmement décevante. En effet, alors qu’il s’agissait de répondre à la question importante et d’actualité « de savoir si l’État belge avait l’obligation positive d’accorder son assistance consulaire au requérant pour empêcher la matérialisation du risque de mauvais traitement durant son incarcération au Maroc », la Cour considère qu’il est inutile d’y répondre. Ceci est peu compréhensible dans la mesure où Ali AARRASS avait été contraint de saisir la Cour européenne des droits de l’homme non pas parce que le Juge des référés lui avait donné tort, mais parce que la Cour de cassation, statuant uniquement en droit, avait cassé l’arrêt de la Cour d’appel contraignant l’Etat belge à venir en aide à Ali AARRASS. Le recours d’Ali AARRASS visait donc principalement à ce que la Cour européenne dise le droit.

Si la Cour européenne des droits de l’homme a finalement « décidé de ne pas décider », il convient de relever que la Cour, dans l’analyse du droit interne pertinent, a souligné que les travaux parlementaires belges liés à la modification du Code consulaire précisait que « la limitation de l’assistance consulaire à un binational dans l’État dont il possède également la nationalité, n’exclut […] aucunement la possibilité pour le poste consulaire ou diplomatique d’octroyer l’assistance humanitaire si elle constate que les droits de l’homme du binational ne sont pas respectés » (point 25). De surcroit, c’est au motif que, selon son appréciation, « les autorités belges ne sont pas restées passives ou indifférentes. Au contraire, elles ont, en pratique, à plusieurs reprises et notamment après l’ordonnance du président du tribunal de première instance de Bruxelles du 3 février 2014 (paragraphe 13 ci‑dessus), effectué des démarches auprès des autorités marocaines, soit sur une base diplomatique soit pour des motifs humanitaires, pour faire évoluer la situation du requérant » que la Cour européenne a déclaré le recours d’Ali AARRASS irrecevable. Ceci revient à considérer que, parce que les autorités belges ont respecté des décisions de justice que l’arrêt de la Cour de cassation a annihilées, il n’y a pas lieu de décider si l’arrêt de la Cour de cassation est conforme ou non à la Convention. Etrange raisonnement.

Pour critiquable que soit le raisonnement tenu et regrettable le refus de statuer sur la question identifiée dans l’arrêt lui-même, il n’en demeure pas moins que, si la Belgique n’a pas été sanctionnée, c’est parce qu’elle a agi, dans une mesure jugée adéquate et suffisante par la Cour, en faveur du respect des droits fondamentaux d’Ali AARRASS. Autrement dit, dans un contexte politique tendu compte tenu de la « crise syrienne », la Cour a « temporisé ». Elle a refusé d’avaliser la thèse défendue par l’Etat belge, consistant à dire qu’il n’avait aucune obligation envers les Belges torturés ou victimes de mauvais traitements à l’étranger, et laissé la porte ouverte à d’autres requérants. A d’autres ainsi de reprendre le flambeau porté par Ali AARRASS.

Pour l’équipe de défense

Me Dounia ALAMAT (+32.484.65.13.74; da@v3avocats.be) – Me Nicolas COHEN (+32.470.02.65.41 ; nc@juscogens.be) – Me Christophe MARCHAND (+32.486.32.22.88 ; cm@juscogens.be)

Fragments de vie carcérale (9), texte et dessins d’Ali Aarrass

dans ACTIONS/ARTS/LA PRISON AU MAROC/TORTURE par

Durant toute ma vie, j’ai bossé très dur et cela depuis mon adolescence. Je suis devenu indépendant très tôt. Ceci-dit j’ai acquís des responsabilités, mais surtout une connaissance culturelle, humaine, dans ses valeurs, ses faiblesses. Tout ceci bien sûr en étant en liberté, sans que personne ne m’impose ou me donne des ordres. La fierté de ce mode de vie, le contact humain ne manquait pas ! Mais mon destin en avait voulu autrement, que je sois privé de ma liberté .

Là,  en isolement sensoriel, il fallait faire preuve de résistance ,  de beaucoup de patience, en bref apprendre à mieux se connaître.

J’aimerais attirer votre attention, l’être humain entre ces maudits quatre murs va s’identifier par lui-même. Certains craqueront très vite, ils seront condamnés puis ils devront prendre une décision pour le reste des années qui leur reste à faire et sur la façon dont ils voudront les mener jusqu’à leur libération.

D’autres refusaient  d’être dans ces conditions dures et pénibles.  Ils vont chercher le moyen le meilleur et le plus facile de se faire une place  parmi les matons: être leur pion, leur mouchard, leur marionnette, ils pourront ainsi avoir accès à des  tâches de nettoyage, distribuer la nourriture etc… dans tous les quartiers pour tenir informés les matons et pourquoi pas, même le directeur.

En échange d’une semi-liberté  et de ne pas rester enfermés pendant des journées interminables en prison. À savoir aussi, les établissements pénitentiaires savent très bien qu’il leur faut quelqu’un pour approcher les prisonniers. J’ai découvert en prison cette créature faible, égoïste, qui était capable de balancer son compagnon de cellule ou de prison, seulement  pour ne pas rester enfermé !!!

Malgré tout cela, ils n’avaient pas accès à nos ressentis et à nos intentions, car nous aussi nous étions informés par certains gardiens qui nous dévoilaient les mouchards qui coopèrent avec les matons…

Vous comprendrez que cette petite histoire est  celle des esprits fragiles et vulnérables,  qui n’ont pas encore acquis  le savoir ou la connaissance des vraies valeurs d’un être humain et de sa dignité, ils  finiront bien par succomber à  leurs désirs. La prison est un lieu où les détenus doivent construire une solidarité, une empathie entre eux, le monde extérieur, celui où la majorité des gens les considère comme des criminels…J’aimerais vous rappeler, chez l’être humain il y a toujours au fond de lui-même un cœur, avec des regrets, des remords,  aussi  avec des sentiments. Je ne peux leur en vouloir,  la condamnation leur suffit comme punition.

Ce qui est clair, c’est  que quand ils ne leur sont plus  d ‘aucune  utilité. Ils les dévoilent au reste des détenus…

Il était important de savoir qui était qui, de connaître les bons et les méchants, ceci afin de ne pas commettre d’erreur et d’éviter le cachot.

Aujourd’hui, je fais appel à tous ceux et celles qui ont une famille en prison. Oui, je dis bien une famille, car le prisonnier, c’est à ce moment-là, durant toutes les années pendant lesquelles il sera privé de liberté qu’il aura besoin de vous plus que jamais !

Je comprends que cela devient très long et dur parfois. Mais il est fondamental pour lui de ne pas  se sentir oublié. Aussi, j’aimerais que vous essayiez de leur faire savoir qu’il est très important de nous transmettre de leurs nouvelles et leurs témoignages. Vous êtes  les seuls à pouvoir les approcher et les  écouter.

Quant à  nous-mêmes les ex prisonniers. Nous n’avons pas d’excuse à  donner ! Surtout si nous  avons le temps et les capacités de faire entendre notre voix dans le monde !

Je sais de quoi je parle. A cette occasion, j’en profite pour remercier toute ma famille,  spécialement  ma très chère sœur Farida, mes prunelles, mon autre moitié que j’aime énormément, celle qui a remué ciel et terre pour son frère et tant d’autres.  Je me rappelle en prison, beaucoup des détenus conscients du combat qu’elle a mené durant ces longues années me disaient bravo et merci infiniment pour ta sœur Farida. Et je pouvais être fier de t’avoir comme sœur.

Bien entendu, je remercie Luk Vervaet qui n’a jamais rien lâché, ni baissé les bras pour les injustices que m’ont infligées ces » états »: l’Espagne, le Maroc et la Belgique par son silence. Luk Vervaet,  un homme qui sait écouter les autres,  et avec  de grandes qualités, une  grande expérience dans le militantisme, très solidaire, avec un grand cœur. Aujourd’hui je lui dis, merci infiniment de ne pas avoir laissé seule ma famille depuis le début de ce combat… Aussi j’aimerais saluer et remercier le Comité Free Ali et tous ceux et celles qui n’ont jamais baissé les bras !

Et bien sûr tous les militants, et les ONG… des hommes et des femmes conscients courageux. Voilà pourquoi l’engagement d’une famille est très important. Cela m’était un soutien et un encouragement pour continuer à me battre jusqu’à ma libération car je m’étais fixé un objectif bien avant de sortir. Oui, un engagement prioritaire pour les opprimés et les humiliés. Mais cela demande la coopération d’une présence humaine. J’aimerais interpeller la conscience dont vous disposez. Nous ne pouvons pas rester indifférents, nous devons contribuer et agir contre les injustices, il ne faut pas attendre d’être touché ou privé de notre liberté et de notre dignité pour se dire, pourquoi n’ai-je pas réagi avant. Chacun de nous possède des capacités, des valeurs. Sommes- nous des égoïstes ? Je profite de cette occasion pour remercier tous ceux et celles qui ont milité avec ferveur pour la libération des prisonniers politiques et d’opinion partout dans le monde.

J’ai toujours  cru et dit qu’il fallait se  défier soit même, et cela malgré les  conditions extrêmes de la vie carcérale. Il fallait mettre mon corps à l’épreuve. Il n’y avait pas d’autre endroit, mieux qu’une prison, plus dur encore  quand c’est en isolement…

Ma première grève de la faim, c’était en Espagne dans le sud. La prison de  Botafuego  à  Algeciras. Après  une longue procédure  d’attente  pour être jugé ou  extradé au Maroc.  Le risque étant permanent…

Une décision très lourde  que  je devais prendre. Après m’être renseigné d’une fenêtre à une autre. J’étais convaincu que la grève ferait pression et ferait freiner la décision d’être extradé, une extradition arbitraire, injustifiée, une violation des droits  de l’homme…

Conscient des risques, des conséquences pour ma santé, sans tarder après en avoir informé les avocats, j’ai entamé une grève de la faim qui allait durer une trentaine de jours, puis  une deuxième d’une quarantaine de jours et la dernière avant d’être extradé au Maroc, qui durera quarante-trois jours, celle-ci j’ai dû l’arrêter une fois arrivé en dépôt à la prison de Salé ll. Mais avant, ils m’ont fait passer par le centre secret de Témara pour y être torturé… 

Voici un bref résumé de mes grèves de la faim.

La première chose à faire était de l’annoncer par écrit au ministère de justice, et au directeur de la prison, ceci afin d’officialiser la grève. J’avais fait un stock d’eau dans ma cellule. Ma famille m’avait tenu au courant  de tout par téléphone.

Les premiers jours, je sentais la faim je me faisais contrôler par le médecin. Ils savaient très bien que j’étais sérieux, ils pouvaient aussi le remarquer à ma perte de poids… Dans le régime carcéral, ils ont l’habitude, l’expérience et savent reconnaître ceux qui sont en grève vraiment  et décidés à terminer leur combat.

J’ai dit ultérieurement, que j’étais sous un contrôle très rapproché. C’est-à-dire le contrôle direct. Je devais rester calme et couché, afin de ne pas trop consommer mes forces, il fallait que je résiste le plus longtemps possible. Les grèves ont été mon seul moyen pour me défendre depuis mon isolement. Ils m’ont poussé à mettre ma vie en danger, contre toutes les injustices, malgré ça, je me sentais impuissant entre ces quatre murs. Je savais qu’à  l’extérieur, il y avait des actions menées pour protester contre mon extradition donc je devais mettre mon grain de sable aussi.

Ces trois grèves officielles en Espagne étaient pour moi la seule défense, même si je mettais ma vie en danger. Malgré tout cela, ils avaient déjà tout planifié en accord avec le Maroc, pour que je sois sacrifié !

Je ne pouvais rester sans rien faire. Ma conscience ne me le permet pas ! Vous ne pouvez imaginer les conditions en isolement, et surtout en grève de la faim.  Être seul est, certes, une impuissance, le temps passe très lentement. Le plaisir et l’envie de manger se ravivent dans le cœur et le cerveau. Même les matons m’incitent à  manger en cachette.

Les médecins aussi, mais ajoutant  » bravo Ali, mais tu dois comprendre que tu es en train de foutre en l’air ta santé et les conséquences tu les auras plus tard « . Je leur disais « que je n’avais d’autres choix pour  défendre mon innocence « . Ce sont les mêmes incitations et les mêmes commentaires, pour les trois grèves de la faim que j’ai faites dans cette prison d’Algeciras (Botafuegos ). 

Le directeur en personne s’est présenté dans ma cellule, c’était la première fois que je le voyais. Il m’a dit « Ali, tu as le droit de te défendre, mais sache que d’autres prisonniers sont morts .

Il faut laisser le temps  à la justice de faire son travail ».  Que faut-il répondre à ce commentaire selon vous ? J’étais sûr  que ce directeur ne voulait pas ou n’aimait pas  comme tous les autres d’ailleurs, avoir des problèmes avec la justice. Car il y a risque d’en mourir… Surtout quand il s’agit d’un prisonnier politique et d’opinion. Attention, je vous parle de trois grèves de la faim en Espagne !!!

Par-contre au Maroc.  Tu pouvais mourir autant de fois, cela ne leur faisait ni chaud ni froid. Et si tu es mort en prison, ils t’emportent à l’hôpital, celui-ci fera un rapport qui dit que « ce prisonnier est bien mort à l’hôpital « !!! Tous complices !

La pure dictature du Maroc. De père en fils, une dynastie aveuglée par le pouvoir, des criminels sans état d’âme, qui laissent le peuple dans la misère.  Tous ceux qui osent lever la voix contre ce régime , ils seront condamnés.

Vous avez le prisonnier Nasser Zafzafi qui a servi d’exemple. Qu’a-t-il fait pour être condamné à  20 ans d’emprisonnement ? Pour  sa dignité et celle de son peuple, il s’est levé, il a lutté, pacifiquement pour demander des hôpitaux, du travail, des infrastructures, des écoles etc… dans le Rif ( Alhoceima ) qui est abandonné aujourd’hui par ce dictateur de roi M6 avec la complicité des Européens par leur maudit silence.

Ils veulent déraciner l’histoire de nos ancêtres, mes racines ! Une civilisation humaine qui durant des siècles, nous a enseigné l’amour pour l’humanité et le respect de nos terres sacrées. Il faut comprendre, que pour des prisonniers déterminés dans leurs convictions et convaincus de leur innocence, il serait difficile   de  faire taire leur voix !!! J’aimerais pousser un grand cri, hurler à nouveau, mais cette fois-ci depuis ma semi-liberté. Car d’autres prisonniers innocents continuent à être torturés, en isolement, et   d’être oubliés… Nous devons être solidaires avec eux ! Nous sommes leur voix ! Nous prenons la relève ! Sans peur, sans relâche ! Apprenons à nos enfants l’amour de notre terre, ses  valeurs. Oui, c’est un travail qui donnera ses fruits, alors  vous pourrez être fiers de ce jour-là…Nous ne pouvons pas rester indifférents à notre chère terre qu’est le Rif. L’histoire nous  enseigne l’unité. Il y a des hommes et des femmes capables de faire bouger des montagnes.

Une histoire avérée comme celle du Rif, personne ne peut la démentir.

Elle est là, pour  ceux et celles qui ont encore l’amour sacré du Rif, notre terre !!! Je reviens à l’isolement en Espagne. L’un des détenus qui sortait à la cour avec moi, très jeune, n’avait pas encore été condamné, la justice espagnole devait rendre son verdict dans les 2 ans, même si elle le soupçonnait, elle n’avait pas assez de preuves, elle prolongera 2 années de plus son attente. Il avait été arrêté pour falsification d’argent. A la veille de son mariage, il avait été arrêté, ils avaient découvert un billet de 300€, imprimé chez lui, plus quelques joints pour passer la soirée. Oui vous  avez bien compris, c’était bien  un billet placé là exprès, un coup de jalousie, quelqu’un ne voulait pas qu’il épouse cette fille. La preuve, elle n’a pas tardé à  demander le divorce alors qu’il était encore en prison ! Voilà une histoire de films…

La « justice » a dû le libérer faute de preuves. En Espagne, les prisonniers pouvaient écrire des lettres d’une prison à l’autre. Communiquer d’un isolement à l’autre était très important pour le moral et échanger des nouvelles entre eux. D’autres font des connaissances avec des prisonnières femmes…

Ils pouvaient même faire une demande officielle pour un mariage et être regroupés dans une prison pour vivre ensemble. C’est le cas de la prison où j’ai été, Algeciras, et en plus , ils leur  donnaient un boulot dans les ateliers. Ils étaient payés à l’époque 400€ par mois sur leur compte. Aussi ils avaient priorité et des avantage,   ils étaient condamnés à de longues peines.

D’autres gardent leurs bébés jusqu’à l’âge de 5 ans. Par la suite, ils seront remis entre les mains de leur famille pour aller à l’école, le week-end ils viennent rejoindre leurs parents en prison, malheureusement.

Oui, je  me suis posé la même question que vous. Pourquoi dans les prisons qui sont commanditées par le roi du Maroc, le dictateur M6 n’a pas cette stratégie ou ce projet de réinsertion humaine ???

Il est facile d’inaugurer et d’ouvrir  des prisons, partout dans le Maroc,comme celle de Salé ll, Tiflet ll, Toulal ll, Tanger ll, Salouna ll, Aarjat ll ( El Filahi). Et bien d’autres encore, qui seront réservées pour torturer et maltraiter le peuple marocain… A savoir, qu’ils sont en train d’anticiper des arrestations bien  montées, des « réseaux » qui ne se connaissaient même pas, et pour ceux qui manifestent pacifiquement contre ce régime criminel policier… Le Maroc est très loin des droits fondamentaux. Non seulement dans  ses prisons, mais dans toutes ses « institutions », s’il faut appeler cela comme ça !!! Une tyrannie comme celle du roi du Maroc, n’acceptera jamais qu’il y ait une démocratie, un état de droit, une liberté d’expression.

 Jamais !!! Voilà l’une des réalités et la raison pour laquelle il continue à construire d’autres prisons… Des hommes et des femmes, conscients et courageux nous ont enseigné de continuer à persévérer et de ne jamais perdre espoir ! Je me rappelle d’une visite à la prison d’Algeciras d’un député d’un parti politique d’opposition, du parti socialiste qui gouvernait à l’époque, dont je ne dirai pas le nom. Par la vitre qui nous sépare, il  m’a dit : «  Monsieur Aarrass, sachez que nous sommes avec vous. Gardez l’espoir, votre famille va bien, vous n’avez pas  à vous inquiéter. Vous devez rester fort, ceci est une épreuve pour vous ». Et pour  terminer, il a ajouté « vous savez qu’elle est la différence entre un chameau et un âne » ? Je lui ai dit, « deux créatures fortes et robustes, pour rendre service à l’homme ». C’est vrai, mais  d’un autre point de vue, « La tête de l’âne est tout le temps baisée. Par contre, le chameau, sa tête, elle  est toujours levée et il est plus résistant que l’âne dans le désert. » Puis il est reparti  en disant, « cette procédure qui est la vôtre prendra du temps , c’est une affaire politique. Soyez courageux « . 

Voilà une visite que je n’avais pas demandée. Elle m’a été un rappel et d’un vrai soutien moral, pour voir plus clair dans  mon cas qui commençait à se compliquer. La pression, la solidarité étaient là, celle des ONG internationales, du comité Free Ali, tout le temps présent sans rien lâcher. Plus mon grain de sable : les grèves de la faim… Quelques  jours plus tard, une autre visite. Deux hommes  en civil se présentent l’un était le directeur chargé de la sécurité interne qui coopère avec les services secrets espagnols (CNI). Celui-ci, j’avais déjà reçu sa visite les premiers jours de mon arrivée. Il voulait en savoir plus sur moi-même : formalités sécuritaires, comportement, caractère, conviction, idéologie, religion…

L’autre qui l’accompagnait en civil voulait me connaître en personne, il jouait le rôle du  policier gentil. Voilà le résultat de la deuxième grève de la faim qui avait duré une quarantaine de jours.

La visite du directeur dans ma cellule pour me convaincre d’arrêter ma grève. Puis la  visite du député politique qui se montre solidaire  avec mon combat. Et la visite du directeur de la sécurité interne, accompagné de l’agent des services secrets espagnols ( CNI ) .

Malgré tout , ils n’ont pas pu me convaincre. Une grève de la faim est une dure décision à prendre, dès le début, je me suis fixé dans ma  tête de terminer ce combat même en mettant ma vie en danger.

Concernant les conséquences sur ma santé, J’ai pris mes responsabilités et j’ai assumé  jusqu’à la fin. Les encouragements, les soutiens à l’extérieur des militants solidaires avec cette noble lutte acharnée m’ont donné de l’espoir et le courage de continuer en persévérant tous les jours !!!

Le contact humain, en  étant isolé, devient inexistant. J’ai dû rester en cellule, il me fallait rester le plus calme possible sans  trop consommer mes forces.

Pour la troisième grève, aussi les mêmes techniques et la même expérience. Officiellement mes doléances étaient acceptées. Prouvée par les médecins dans leur rapport médical, sur mon état  de santé particulier, les contrôles qu’ils faisaient tous les jours, prouvée la crédibilité de ma grève de la faim.

Malgré les trois grèves officielles, j’ai été transféré à Madrid et extradé arbitrairement !!! Aujourd’hui, je résume ceci par une grande victoire.

Oui, depuis le début j’ai combattu ces injustices, pour prouver mon innocence, celle  qui avait été prononcée  par le juge Baltazar Garzón, qui  sans relâche a fait une enquête minutieuse et cela à mon insu, avant et après mon arrestation. Il est vrai qu’ils m’ont dérobé 12 années de ma vie !

Il est vrai aussi qu’ils m’ont torturé et terrorisé ma chère famille ! Comme il est vrai aussi, qu’ils ont essayé de me briser et de me faire taire dans les pires isolements d’Espagne et ceux du Maroc, mais en vain.

Oui, je me rends compte après tant d’années, que  j’ai survécu ! Aujourd’hui encore, il y a d’autres prisonniers politiques et d’opinion, des journalistes d’investigation aussi , qui ont été arrêtés et condamnés injustement, puis isolés du monde extérieur et intérieur. Ils veulent  les faire oublier !

 

 

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