Fragments de vie carcérale (2), par Ali Aarrass

dans Fragments de vie carcérale/LA PRISON AU MAROC/TORTURE par

Sous la torture, mes tortionnaires me disaient : « Arrête d’être têtu, car tu finiras par nous dire ce que nous voulons ! « 

Moi je suis resté sincère et je n’avais rien à leur dire, sauf ce que je crois juste et équitable pour ma personne. Donc être têtu m’a aidé à rester debout pour leur montrer que j’étais innocent et que ma dignité était au-dessus de tout !!!

Les jours, les mois passent dans ces conditions et j’ai remarqué que je me faisais respecter et estimer par certains matons et prisonniers pour mon opposition.
Aujourd’hui je n’ai aucun regret, ni d’avoir fait face et d’avoir défendu certains prisonniers…

Le temps a passé et je savais que j’étais condamné d’avance. Donc, il fallait me faire une place, car ainsi l’avait voulu ma destinée !
Nous devenons solidaires entre nous les prisonniers. Durant toutes ces années d’injustice, j’ai pu constater et découvrir le vrai sens de l’être humain.
La souffrance et les épreuves nous ont unis dans des moments difficiles. La solidarité nous a fortifiés ! J’aimerais dire ceci : Le prisonnier ne doit jamais sous-estimer l’être humain, dans un endroit fermé et coupé du monde, il aura besoin de quelqu’un un jour pour le soutenir et l’encourager et même le défendre pourquoi pas quand on est vulnérable!
Aujourd’hui, tout le monde s’est bien aperçu que le Maroc est une dictature, et que son système politique est une monarchie exécutive et cela est un obstacle pour le peuple et aussi pour le pays. Ceci explique que le gouvernement ne gouverne pas ! Donc le dictateur du Maroc depuis son palais n’a de compte à rendre à personne. Oui, le Maroc torture ses citoyens en terrorisant, réprimant et emprisonnant ceux qui ont l’audace de critiquer ces criminels !

Le bras de fer, la répression de tous les jours engendrent la dégradation et la peur d’être arrêté et torturé par des créatures sans état d’âme, qui sont là pour exécuter les ordres du dictateur terroriste qui est le roi, et cela même en dehors du Maroc.
Avec des mercenaires qui sont prêts à agir comme des hors-la-loi !!!
Comment peut-on accepter qu’une poignée d’individus, ou un seul, puisse imposer à des millions de citoyens de vivre dans la peur ?

À qui il faut en vouloir donc ? Nous savons tous que l’union fait la force et la différence entre le bien et le mal. N’en avons-nous pas marre de raser les murs, d’être de l’autre côté de la marge, combien de temps resterons-nous cachés dans cette indignation sans précédent?
L’histoire nous a enseigné que tous ceux qui ont commis des crimes ont fini par tomber. Grâce à des hommes et des femmes conscients et courageux, qui ont eu l’audace de les affronter pour leur dire que cela suffit !

En prison, on devait marquer notre présence, par la force des choses, ne serait-ce qu’un seul jour, pour notre dignité humaine.
On nous demandait de nous engager à respecter le « règlement pénitentiaire « alors qu’eux-mêmes ne le respectent pas ! Toutes nos dénonciations et nos doléances étaient détruites et bafouées.
Cela devenait insupportable et inadmissible. Nous étions forcés de manifester pacifiquement : tout le quartier renonçait à sortir à la cour et aux douches, et d’autres refusaient de sortir voir leur famille, afin que celles-ci dénoncent auprès du procureur du roi cette violation et la présumée disparition des prisonniers. Croyez-moi, cette solidarité entre nous a contraint le directeur à céder et à nous foutre la paix quelque temps…
Notre but n’était pas d’avoir un résultat rapide de notre combat, mais plutôt de participer et de mettre son grain de sable. Aussi de savoir sur qui compter, car il est facile des fois de contester ou protester contre les conditions de détention, mais le jour venu pour être là quand il le faut, les cœurs téméraires font surface : les jambes tremblent de peur d’être maltraité, torturé ou transféré dans une autre prison.
Les matons savent les reconnaître facilement, ils prennent le prisonnier, on lui pose sa sale main sur le cœur et ils disent : Voilà, celui-ci a peur, il a sûrement des choses à nous dire !!!
Il est difficile dans une prison d’arriver à un résultat efficace contre le régime carcéral.
Il nous fallait être patient et convaincu qu’avec peu d’éléments capables et bien organisés et surtout bien futés, on pouvait arriver à faire entendre notre voix dans le quartier et même à l’extérieur, sur toutes les violations de nos droits fondamentaux et sur les maltraitances.
Depuis le début, j’étais engagé dans ce combat sans m’en rendre compte, vous n’imaginez pas le bien que cela fait de participer et d’avoir acquis certains de nos droits fondamentaux, ne serait-ce que pour peu de temps. Certains prisonniers de droit commun utilisent leur méthode, la corruption du directeur et des matons. Mais il leur fallait être prêt à verser le montant exigé.
Dans mon quartier, ils savent très bien qu’ils n’avaient rien à en tirer, c’était la vulnérabilité, mais surtout la dignité qu’il ne fallait pas toucher ni nous priver d’elle!

Il m’arrive de voir de la fenêtre de ma cellule qui donne vers la cour des prisonniers qui marchent seuls, tête baissée, comme s’ils avaient tous les soucis du monde sur leur dos. Après m’être renseigné sur le pourquoi de ce comportement, j’ai compris.
Ils pensent à leur petite famille, qui va s’occuper d’eux et leur porter secours? Je me suis penché sur cette question et je me disais que j’avais de la chance et d’être privilégié d’avoir une famille et le soutien d’une solidarité d’hommes et de femmes, que je remercie du fond du cœur. Mais il ne fallait pas rester les bras croisés ; j’ai fait courir le message de partager d’abord moralement nos sentiments avec ces prisonniers et de les aider à l’extérieur le jour de visite de sa famille. Cela a demandé un peu de temps, mais on voyait les sourires revenir sur les visages.

J’aimerais souligner ceci: en prison, soit on est humain et l’entraide solidaire surgit pour les humiliés et les vulnérables. Soit on devient des créatures sans raisonnement ni conscience.

Lire Fragments de vie carcérale (1) cliquez ICI

Laisser un commentaire

Your email address will not be published.

*

Derniers articles de Fragments de vie carcérale

Aller à Top