A l’attention de l’ancien ministre Van Ackere : On torture en Espagne !

dans ACTIONS/DANS LA PRESSE/FRIENDS OF ALI AARRASS LONDON SUPPORT COMMITTEE/LA PLATAFORMA POR ALI AARRASS par

Luk Vervaet

Photos : actions devant l’ambassade espagnole à Bruxelles et à Londres contre l’extradition d’Ali Aarrass, novembre 2010

Nous publions un article du journal espagnol El Pais du 29 avril 2013 (en espagnol et en anglais, grâce à la traduction du Ali Aarrass London Support Committee) sur la condamnation de l’Espagne par le Comité européen pour le prévention de la Torture (CPT) pour son refus d’examiner les plaintes sur la torture, commise par la Guardia Civil. Ce rapport a été réalisé suite à la visite du CPT des prisons et bureaux de police espagnols en 2011. Dans le rapport le Comité dit aussi qu’il s’est plaint depuis deux décennies auprès de l’Espagne pour son traitement des personnes accusées de terrorisme, sans que ça change.

Parmi ces détenus se trouvait le Belge Ali Aarrass.

Le 1 avril 2008, Ali avait été arrêté à Melilla à la demande du Maroc dans le cadre du démantèlement d’une organisation terroriste au Maroc, le réseau dit Belliraj. Dès le premier jour et jusqu’à aujourd’hui, Ali maintient son innocence. En Espagne, Ali a été mis en prison en isolement total. Sur le calvaire qu’il a vécu en isolement dans les prisons espagnoles, Ali a confié à sa sœur Farida : « J’ai toujours des sursauts si quelqu’un apparaît derrière moi, je fais trop souvent des cauchemars qui me font mal et les moments d’angoisse s’intensifient de temps à autre. C’est horrible ! Insupportable ! Cela ne devrait pas exister. Tu ne peux communiquer avec personne, tu ne peux t’adresser à personne, tu n’as jamais quelqu’un avec qui échanger le moindre mot. C’est le silence complet. Les minutes se transforment en heures très longues, les journées semblent être des éternités. On ne peut pas vivre dans la solitude, sans pouvoir discuter avec quelqu’un. La voix perd sa force, tes cordes vocales perdent l’habitude d’émettre des sons. Tu es à la recherche du moindre son externe et pourtant rien ne s’entend comme bruit…Oui même quand tu essaies de prononcer quelques mots, syllabes, tu n’y arrives plus, car comme tu ne parles jamais, tu as beau essayer de parler, ta voix s’estompe. Je me parlais à moi-même ! Je m’adressais des discours, je me racontais des histoires et me posais même des questions, auxquelles je répondais afin de casser la solitude qui au bout d’un moment devient on ne peut plus dure à supporter ! Je me touchais les membres, pour réaliser que j’étais bien là, que j’étais bien vivant, que j’étais bien un humain malgré ces conditions de détention inhumaines et surtout gratuites ! J’ai pendant longtemps senti l’envie de me regarder, puisque je n’avais ni miroir ni rien pour m’observer. A un moment, bien après mon extradition au Maroc et après la torture sauvage qu’on m’a infligée, j’ai remarqué, que dans la cellule sombre dans laquelle j’étais, il y avait à un moment déterminé de la journée, un petit rayon de soleil qui traversait la pièce et ne reflétait que sur une dalle qui paraissait brillante mais très sale sur l’un des murs de ce cachot. Je m’empressais donc de nettoyer cette dalle afin de m’en servir comme miroir au moment précis où le soleil venait se poser dessus. Je me suis finalement légèrement aperçu, ce qui me fit le plus grand bien. Même si l’image n’était pas très claire. Me regarder m’a fait prendre conscience que j’étais bien là, que j’existais. »

Le 16 mars 2009, le juge antiterroriste espagnol Baltazar Garzon, après un examen minutieux de son dossier, a prononcé un non-lieu dans l’affaire Ali Aarrass. Mais la demande d’extradition de la part du Maroc ayant été acceptée par la justice espagnole, Ali restait en prison.

Le 19 novembre 2010, le Conseil des ministres espagnol approuvait l’extradition d’Ali Aarrass, bien qu’il avait été innocenté. Par contre, elle refusait l’extradition d’un autre détenu Mohamed El Bay, détenu dans la même affaire mais de nationalité hispano-marocaine, qui sera mis en liberté. Le 26 novembre 2009, le Haut-Commissariat aux Droits de l’Homme de l’ONU avait demandé à l’Espagne de ne pas extrader Ali Aarrass vu le risque de torture. Le 14 décembre 2010, contre toutes les règles diplomatiques internationales, Ali Aarrass a été extradé vers le Maroc.

Pendant les deux ans et demi de sa détention en Espagne, le consul belge en Espagne a toujours refusé de rendre visite à Ali Aarrass. Quand nous avons demandé l’intervention de notre ministre des affaires étrangères Van Ackere auprès de l’Espagne pour se vérifier de la situation d’Ali Aarrass dans les prisons espagnoles et pour empêcher son extradition vers le Maroc, celui-ci a répondu ceci : « Pour ce qui concerne votre question relative à une visite du consul, l’assistance aux Belges détenus à l’étranger ne prévoit pas l’organisation de visites consulaires dans les pays de l’Union européenne. » (Réponse à une interpellation de la députée Zoe Genot le 29 novembre 2010). Mais pourquoi ne pas évoquer le dossier Aarrass avec votre collègue espagnol ?, lui demande Zoé Genot. Et le ministre répond : « Je n’ai pas évoqué le dossier d’extradition avec mon collègue espagnol car il n’est pas d’usage que la Belgique intervienne dans une procédure d’extradition entre pays tiers même lorsque cette dernière concerne un ressortissant national. De plus, j’ai entière confiance dans les garanties que le système judiciaire espagnol offre au niveau des procédures d’extradition et du respect des droits de l’homme. Il prévoit, en effet, des possibilités d’appel et ce, jusqu’au niveau de la Cour européenne des droits de l’homme en cas de non-respect de la Convention européenne des droits de l’homme. Vu ce qui précède, je n’entreprendrai pas de démarche qui pourrait être interprétée par mon collègue espagnol comme une ingérence dans des affaires internes et surtout comme un manque de confiance dans le système judiciaire espagnol. »

Ou comment Ali Aarrass fût sacrifié sur l’autel de la diplomatie belgo-espagnole.

 

 

Article Reprimenda del Consejo de Europa a España por ignorar denuncias de torturas El País Madrid 29 ABR 2013 :  cliquez ici

Article in English :

Council of Europe rebukes Spain for ignoring torture complaints

Organisation calls on the authorities to investigate “the methods” used by the Civil Guard

El País Madrid 29 April 2013

The European Committee for the Prevention of Torture has sent the Spanish government a report running to over 100 pages in which it rebukes the Spanish authorities for failing to investigate complaints of ill-treatment and calls on them to set up “an independent investigation into the methods used by the Civil Guard when holding and questioning individuals who have been detained”.

Following visits to police stations, Civil Guard stations and prisons in Madrid, Barcelona, Cordoba, Alava and Cadiz undertaken during June 2011, the European Committee delegation to Spain drew up a report setting out its conclusions, to be published today. The report records complaints from 10 individuals held in incommunicado detention who claimed that they had been ill-treated by the Civil Guard. The allegations included “kicks and blows with truncheons to the head and body”, and the practice known as “the bag”, where a plastic bag is placed over the head of the individual, who is then forced to perform prolonged physical exercise, “inducing a sensation of asphyxiation”.

In its report the Committee highlights “the need for determined action by the Spanish authorities to address the issue of ill-treatment by members of the Civil Guard in the context of incommunicado detention” and notes that it has been “drawing attention” to “the problem of ill-treatment by the Civil Guard” of persons suspected of terrorist offences for some two decades. It makes the criticism that “the facts found during the 2011 visit indicate that the above-mentioned problems remain unresolved”.

The Committee asks the Spanish authorities to ensure that where a detainee alleges ill-treatment, the judge should immediately order a forensic medical examination to ensure that the allegations “are properly investigated”. It says that it wishes to “receive within three months a full account of action taken to implement” its recommendations.

The Committee notes that the report it issued after a visit to Spain in 2007 referred to the safeguards provided by two judges of the National Court [Audiencia Nacional] to persons held under incommunicado detention. The safeguards involve notifying the family; allowing the individual to be visited by a personal doctor along with a forensic doctor appointed by the investigative judge; and 24-hour video surveillance of the detention areas. During their 2011 visit Committee members found that three of the six investigative judges of the National Court were systematically applying these measures. “However,” the delegation noted, “during the first five months of 2011 all the incommunicado detentions were authorised by a judge who does not apply any of these safeguards; a rather surprising state of affairs”. The Committee recommends that the Spanish authorities take “necessary steps to ensure that the three specific safeguards referred to above [surveillance cameras, personal doctor and notifying the family] are applied vis-à-vis all persons held in incommunicado detention”.

In its report the Committee expresses concern at CCTV recordings showing that “detained persons, while being moved from their cell to the interrogation room, to the doctor’s room or to the toilet, were hooded, and had to walk backwards”. The Committee calls upon the Spanish authorities to ensure that “the hooding of persons who are in police custody should be expressly prohibited”.


 

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