Ali Aarrass : lettre à ma femme Houria : « Cela fait 30 ans que nous nous sommes mariés.. »

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Houria, la femme d'Ali Aarrass

Ma très chère et bien aimée Houria.

Ce 21 juin 2016, cela fait 30 ans que nous nous sommes mariés.
Et je tenais à te remercier d’être toujours là.

Voilà déjà 30 années que nous avons contracté mariage ma tendre épouse. 30 années et alors que les 8 dernières ont été si éprouvantes, tu es toujours là…
Mon coeur se resserre et se réjouit à la fois de te savoir présente, fidèle et ô combien combative et solidaire malgré tout ce que tu avais déjà du endurer avant.

Tu n’as jamais vraiment eu une vie facile. Tu as tellement eu à supporter.
A commencer par le décès de ta chère mère alors que tu n’étais qu’une gamine. Allah yerhemha…
Toi qui malgré ton tout jeune âge avais dû t’occuper de tes jeunes frères et soeur comme une maman. Toi qui avais dû sacrifier les études que tu suivais en latin, qui s’annonçaient d’ailleurs très prometteuses pour aller en professionnelle, en couture, parce que tu n’avais plus trop le temps d’étudier. C’étaient les imprévus de la vie….
Tu as ensuite perdu ton cher père, ce qui fut encore une fois une lourde épreuve… puis plus inattendu encore ton jeune frère Hamza, suivi par deux de tes oncles qui nous quittaient aussi…. Qu’Allah les comble tous de sa Rahma et toi de patience.

Toutes ces épreuves tu les as vécues sans t’apitoyer sur ton sort. Tu as toujours caché ton chagrin, ta peine, ton immense douleur. Évitant coûte que coûte de laisser couler la moindre larme en présence de quiconque.
Et ce n’est qu’une fois dans la solitude, à l’abri des regards, loin de tous et dans le silence le plus complet que tu laisses enfin couler ces larmes que tu t’acharnais à retenir. Ce n’est que dans ces conditions que tu décides enfin de laisser place à ton immense tristesse.

Je suis si admiratif de ta si grande pudeur.
Je suis aussi admiratif de cette force qui est la tienne, une force que ta si belle douceur ne laisse point déceler.
Mais ce qui m’épate le plus ce sont ta patience et ta confiance. Je ne sais pas quel est ton secret, mais je ne peux qu’être admiratif.

Ma très chère et tendre épouse, saches que rien en dehors de la volonté Divine ne pourra nous séparer. Ni les longues distances, ni les hauts murs de cette prison, ni le temps…
Nous avons derrière nous 30 ans de vie commune, oui même les huit années d’incarcération, car tu as toujours été là, jamais tu n’as abandonné, fidèle et ferme dans ta position et posture d’épouse loyale.
Ces huit années malgré que nous avons été privés physiquement l’un de l’autre, j’ai en mon fort intérieur le sentiment que tu as tout partagé avec moi, comme si tu étais toujours présente à mes cotés. Tu es chaque instant dans mon coeur et dans mon esprit.
Il est si important pour un homme privé de liberté de se savoir soutenu par sa moitié. Tu m’as enseigné à être fort et patient. A être confiant et surmonter mes épreuves. A garder la tête haute par la fierté que tu me procures.

Tu m’as prouvé ce qu’est vraiment Aimer !

Photo de Farida Aarrass.
(Lettre d’Ali, transmise par Farida Aarrass)

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